Quelque chose sortit Sebastian de son profond sommeil, mais il ne savait quoi. Les yeux encore plein de sommeil, il scruta chaque recoin de sa chambre sans même sortir de son lit. Une fois de plus, il avait cette étrange impression. Depuis sa rencontre avec Gwendoline, il sentait comme un regard posé sur lit à la nuit tombée. Il n'aimait cette sensation qui le rendait peureux et réveillait cette autre nature qu'il détestait tant. Il se déplaça légèrement pour pouvoir dégager son bras droit qui se trouvait sous la tête de Gwendoline. Ce simple mouvement ne troubla en rien le sommeil de la jeune femme.
Sebastian posa un regard circulaire sur la vaste pièce décorée dans un style moderne et épurée. Il était fier de ce qu'il avait fait de cet endroit à lui seul. Depuis le temps qu'il vivait, il pouvait se vanter d'avoir pratiquer tous les corps de métier ou presque. Le dernier en date était pompier. Il ne savait pourquoi depuis bientôt dix ans il exerçait ce travail. Il savait seulement qu'il s'était réveillé un matin en ressentant le besoin de donner un autre sens à sa vie. Ce matin-là, il avait été réveillé par un cauchemar, non un souvenir de sa vie à Anetamara. Ressentir une fois encore la peur connue dans les oubliettes de Lyderem, puis la rage qu'il éprouvait pour cet oncle qui l'avait renié, avait fait sortir le loup qui se cachait en lui. Il se souvenait encore de sa surprise en réalisant sa métamorphose. Il avait d'abord été subjugué par cette image de lui qu'il n'avait pas vu depuis deux cent ans, puis il avait été dégoûté. En grandissant, il s'était rendu compte qu'il ressemblait de plus à cet homme qu'il haïssait tant. Luciano Melgrove, l'honorable chef des lycans, le roi le plus craint d' Anetamara, ce monstre qui l'avait fait enfermé après avoir condamné à mort son père, il en était le portrait craché sous sa forme humaine comme sous sa forme lupine. La seule différence, la couleur de leurs iris. Dans sa forme humaine, il les avait noirs comme celles de son oncle, mais en se transformant en loup-garou elles devenaient couleur rubis.
Gwendoline commença à remuer dans son sommeil en marmonnant des mots incompréhensibles, sauf à ses oreilles d'être surnaturel. Elle l'appelait et lui demandait de la serrer fort dans ses bras. Machinalement, il s'exécuta et ressentit une immense nostalgie. Elle allait lui manquer. Il ne ressentait aucun sentiment d'amour pour la jeune femme, mais une réelle affection. Fort de ce constat, il prit une grave décision. Il n'effacerait pas son souvenir de sa mémoire, juste le passage où il l'avait mordue, mais dés son réveil, il romprait avec elle. Pour une fois, il allait agir en homme courageux et accepter les cris et la crise de larmes qui risquait de s'en suivre.
Sebastian songea soudain à sa mère. Elle aurait été déçue de le savoir si lâche. Depuis son arrivée sur la Terre, il ne cessait de fuir. Il avait fuit son oncle, mais aussi ce monde qui n'acceptait pas sa différence, puis il avait fuit sa mère pour lui donner une chance de se construire une famille. Il fuyait également sa triple condition, n'acceptant que ses natures magique et vampirique; et aujourd'hui, il allait fuir la seule femme qui avait su lui faire oublier l'image de cette autre, même si ce n'avait été qu'éphémère.
Il poussa un long soupir d'exaspération. Sa vie était morne et triste. Seul son métier lui apportait un peu de réconfort. Il aimait sentir la peur des autres quand il devait les sauver, comme il aimait leur reconnaissance. Il aimait sentir son corps réagir au contact des flammes. Il était peut être immortel, mais il avait hérité des forces et des faiblesse de ses trois conditions. Il avait donc naturellement peur du feu. Il rêvait parfois de se laisser mourir lors d'une intervention, mais son instinct de survie était toujours la plus forte. La dernière fois qu'il avait hésité, il avait failli y rester. Les flammes avaient embrasé son corps à une vitesse folle. Il devait sa survie à sa magie. Sans s'en rendre compte, il avait fait pleuvoir une petite pluie fine à l'intérieure de la pièce en feu. Ses collègue l'avait trouvés inconscient, brûlé au second degré. Ils l'avaient hospitalisé et les médecins s'étaient étonnés de le voir guérir aussi vite. Lui, fut contrarié de constater que même sa magie était inutile contre des blessures causées par le feu. Il avait dû patienter et sa condition surnaturelle avait fait le reste. Depuis, il faisait beaucoup plus attention.
Le vampire fronça soudain le nez. Une odeur bien connue et interdite sur son territoire lui chatouillait les narines. Se pouvait-il que ce vampire se soit égaré sur son territoire par ignorance ? C'était bien probable. Aucune créature surnaturelle du quartier ne s'aventurait près de chez lui sans son autorisation depuis longtemps déjà. A son arrivée, il avait montré qui était le mâle dominant et depuis il ne faisait plus de rencontre malencontreuse, sauf s'il le souhaitait. D'un geste vif, il se mit accroupit dans son lit, en position d'attaque. Outre l'odeur de vampire, une odeur de lycan était présente. Elle était plus diffuse, donc assez éloignée des limites de son territoire, mais cela n'augurait rien de bon. Se pourrait-il que ce vampire soit poursuivi par le lycan ? Si c'était le cas, c'était que le suceur de sang avait commis un méfait. Depuis des siècles déjà, les lycans n'attaquaient plus les vampires sans raison valable. Il devait en avoir le cœur net.
_ Que se passe-t-il, Seb ?
La voix endormie de Gwendoline le sortit de ses réflexions. Il posa un regard dur sur la jeune femme qui la fit tressaillir. Ses yeux avaient changé de couleur, prenant une teinte rubis. La grande blonde poussa un cri qui s'étrangla dans sa gorge. Elle se souvenait de ce qui s'était passé plus tôt dans la nuit. Seb, son amant du moment, l'avait mordue jusqu'au sang. Elle se rappelait la sensation du sang quittant son corps pour être absorbé par les lèvres sensuelles de son pompier préféré.
Sebastian plongea son regard rubis dans celui translucide de sa compagne. Mentalement, il lui ordonna d'oublier les événements de la nuit, puis de se rendormir. La crise d'hystérie pouvait attendre qu'il ait réglé ce nouveau problème. Rapidement, mais en silence, il enfila un jean noir et un t-shirt large de la même couleur. Il glissa ensuite sur le toit de son immeuble. De la haut, il pourra voir qui était cet invité imprévu. Il fit un tour d'horizon, puis deux. À sa troisième tentative, il repéra une petit forme à plus de dix kilomètres de chez lui, un peu en-deçà de la limite de son territoire. Il sauta avec souplesse et agilité de toit en toit jusqu'à rejoindre la forme diffuse. En avançant à un rythme soutenu, il finit par reconnaître la silhouette d'une femme. De plus près, il réalisa qu'il s'agissait plus d'une adolescente. Il la scruta un moment, accroupi sur le toit d'une charmante maison. Le clair de lune dévoilait une peau blafarde et des cheveux argenté. Elle ne bougeait pas. Au bout d'un moment, elle leva la tête et posa son regard sur lui. Il sursauta à ce contact visuel. Il eut l'impression d'avoir déjà vu ses yeux qu'il voyait émeraude. D'un geste leste, il sauta de son perchoir et atterrit juste en face de la jeune demoiselle. Elle fit un mouvement de recul en se rendant compte de sa haute taille, mais se reprit et releva courageusement le menton.
_ Qui es-tu ? D'où viens-tu ? Et que fais-tu sur mon territoire ?
_ Je m'appelle Elena Van Kren et si je suis …
Sébastian lui laissa pas le temps de terminer. Il lui sauta immédiatement dessus, la renversant par terre. Elena cria de surprise et n'opposa aucune résistance. Le fils de son ami lui maintenait les poignets de chaque côté de sa tête et la reniflait énergiquement.
_ Je me disais bien que ton odeur avait quelque chose de particulier, déclara-t-il entre ses dents. L'odeur d'Amerendra.
Elena fit une tentative pour pouvoir se dégager, mais Sebastian était plus fort qu'elle. Il sentait fort le sang, preuve qu'il venait de se nourrir, alors qu'elle, elle n'avait pas pu abreuver sa soif depuis trois jours. C'était pour ça qu'elle se sentait si faible et qu'elle n'avait pas entendu le jeune homme arriver et encore moins senti sa présence avant que le vent ne vienne à son secours. Elle concentra le peu d'énergie qui lui restait pour pouvoir se contorsionner jusqu'à se dégager à moitié du corps lourd de l'homme. Assez pour glisser ses genoux entre leur deux torses et de le faire basculer par-dessus sa tête. Avant même qu'elle ne puisse se relever, le sang impur s'était je té une nouvelle fois sur elle, la plaquant cette fois contre le mur d'une des maisons du quartier résidentielle. Elena étouffa un cri de douleur et pria pour que personne n'entende leur lutte. Les mains libres, elle tenta un coup de poing dans la mâchoire de l'homme, mais il était trop grand et elle ne heurta que la base de son cou. Il frémit à peine. Elle réitéra son geste, mais il arrêta son petit poing fermé et lui envoya son genou dans les côtes. Elle se plia en deux en sentant l'un de ses os se briser.
_ Arrête ! hurla-t-elle en reprenant son souffle. Je suis une amie de ta mère ! Je connais Galatea !
Sebastian hésita une fraction de seconde. Se pouvait-il que le vampire disait vrai ? Même si c'était le cas, il s'était juré de tuer tous ceux d'Anetamara qui s'aventurerait sur Terre sans son autorisation. Il plaqua donc à nouveau la jeune adolescent contre lu mur, laissa sortir ses canines et se pencha vers sa clavicule.
Elena retint son souffle. Il allait la morde, mais la morsure d'un vampire sur un autre vampire n'avait d'autre effet que de l'affaiblir. Elle fixa ses iris et constata qu'ils n'étaient pas rubis. Au moment de mordre, tous les vampires voyaient leurs yeux prendre une teinte rubis. Ceux de Sebastian restaient noir. Elle se souvint alors de la prophétie : « Viendra alors un être à la fois vampire, lycan et mage. Il aura le pouvoir de tuer toutes les autres créatures d'une simple morsure, d'un simple regard ou d'un petit coup de griffes. »
Ses yeux s'agrandirent d'horreur. Si elle le laissait faire, il allait la tuer. Hystérique, Elena se débattit de toutes ses foreces en hurlant le nom de Galatea.