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2 septembre 2010 4 02 /09 /septembre /2010 20:53

Anetamara (25)

 

 

 

 

Quelque chose sortit Sebastian de son profond sommeil, mais il ne savait quoi. Les yeux encore plein de sommeil, il scruta chaque recoin de sa chambre sans même sortir de son lit. Une fois de plus, il avait cette étrange impression. Depuis sa rencontre avec Gwendoline, il sentait comme un regard posé sur lit à la nuit tombée. Il n'aimait cette sensation qui le rendait peureux et réveillait cette autre nature qu'il détestait tant. Il se déplaça légèrement pour pouvoir dégager son bras droit qui se trouvait sous la tête de Gwendoline. Ce simple mouvement ne troubla en rien le sommeil de la jeune femme.

Sebastian posa un regard circulaire sur la vaste pièce décorée dans un style moderne et épurée. Il était fier de ce qu'il avait fait de cet endroit à lui seul. Depuis le temps qu'il vivait, il pouvait se vanter d'avoir pratiquer tous les corps de métier ou presque. Le dernier en date était pompier. Il ne savait pourquoi depuis bientôt dix ans il exerçait ce travail. Il savait seulement qu'il s'était réveillé un matin en ressentant le besoin de donner un autre sens à sa vie. Ce matin-là, il avait été réveillé par un cauchemar, non un souvenir de sa vie à Anetamara. Ressentir une fois encore la peur connue dans les oubliettes de Lyderem, puis la rage qu'il éprouvait pour cet oncle qui l'avait renié, avait fait sortir le loup qui se cachait en lui. Il se souvenait encore de sa surprise en réalisant sa métamorphose. Il avait d'abord été subjugué par cette image de lui qu'il n'avait pas vu depuis deux cent ans, puis il avait été dégoûté. En grandissant, il s'était rendu compte qu'il ressemblait de plus à cet homme qu'il haïssait tant. Luciano Melgrove, l'honorable chef des lycans, le roi le plus craint d' Anetamara, ce monstre qui l'avait fait enfermé après avoir condamné à mort son père, il en était le portrait craché sous sa forme humaine comme sous sa forme lupine. La seule différence, la couleur de leurs iris. Dans sa forme humaine, il les avait noirs comme celles de son oncle, mais en se transformant en loup-garou elles devenaient couleur rubis.

Gwendoline commença à remuer dans son sommeil en marmonnant des mots incompréhensibles, sauf à ses oreilles d'être surnaturel. Elle l'appelait et lui demandait de la serrer fort dans ses bras. Machinalement, il s'exécuta et ressentit une immense nostalgie. Elle allait lui manquer. Il ne ressentait aucun sentiment d'amour pour la jeune femme, mais une réelle affection. Fort de ce constat, il prit une grave décision. Il n'effacerait pas son souvenir de sa mémoire, juste le passage où il l'avait mordue, mais dés son réveil, il romprait avec elle. Pour une fois, il allait agir en homme courageux et accepter les cris et la crise de larmes qui risquait de s'en suivre.

Sebastian songea soudain à sa mère. Elle aurait été déçue de le savoir si lâche. Depuis son arrivée sur la Terre, il ne cessait de fuir. Il avait fuit son oncle, mais aussi ce monde qui n'acceptait pas sa différence, puis il avait fuit sa mère pour lui donner une chance de se construire une famille. Il fuyait également sa triple condition, n'acceptant que ses natures magique et vampirique; et aujourd'hui, il allait fuir la seule femme qui avait su lui faire oublier l'image de cette autre, même si ce n'avait été qu'éphémère.

Il poussa un long soupir d'exaspération. Sa vie était morne et triste. Seul son métier lui apportait un peu de réconfort. Il aimait sentir la peur des autres quand il devait les sauver, comme il aimait leur reconnaissance. Il aimait sentir son corps réagir au contact des flammes. Il était peut être immortel, mais il avait hérité des forces et des faiblesse de ses trois conditions. Il avait donc naturellement peur du feu. Il rêvait parfois de se laisser mourir lors d'une intervention, mais son instinct de survie était toujours la plus forte. La dernière fois qu'il avait hésité, il avait failli y rester. Les flammes avaient embrasé son corps à une vitesse folle. Il devait sa survie à sa magie. Sans s'en rendre compte, il avait fait pleuvoir une petite pluie fine à l'intérieure de la pièce en feu. Ses collègue l'avait trouvés inconscient, brûlé au second degré. Ils l'avaient hospitalisé et les médecins s'étaient étonnés de le voir guérir aussi vite. Lui, fut contrarié de constater que même sa magie était inutile contre des blessures causées par le feu. Il avait dû patienter et sa condition surnaturelle avait fait le reste. Depuis, il faisait beaucoup plus attention.

Le vampire fronça soudain le nez. Une odeur bien connue et interdite sur son territoire lui chatouillait les narines. Se pouvait-il que ce vampire se soit égaré sur son territoire par ignorance ? C'était bien probable. Aucune créature surnaturelle du quartier ne s'aventurait près de chez lui sans son autorisation depuis longtemps déjà. A son arrivée, il avait montré qui était le mâle dominant et depuis il ne faisait plus de rencontre malencontreuse, sauf s'il le souhaitait. D'un geste vif, il se mit accroupit dans son lit, en position d'attaque. Outre l'odeur de vampire, une odeur de lycan était présente. Elle était plus diffuse, donc assez éloignée des limites de son territoire, mais cela n'augurait rien de bon. Se pourrait-il que ce vampire soit poursuivi par le lycan ? Si c'était le cas, c'était que le suceur de sang avait commis un méfait. Depuis des siècles déjà, les lycans n'attaquaient plus les vampires sans raison valable. Il devait en avoir le cœur net.

_ Que se passe-t-il, Seb ?

La voix endormie de Gwendoline le sortit de ses réflexions. Il posa un regard dur sur la jeune femme qui la fit tressaillir. Ses yeux avaient changé de couleur, prenant une teinte rubis. La grande blonde poussa un cri qui s'étrangla dans sa gorge. Elle se souvenait de ce qui s'était passé plus tôt dans la nuit. Seb, son amant du moment, l'avait mordue jusqu'au sang. Elle se rappelait la sensation du sang quittant son corps pour être absorbé par les lèvres sensuelles de son pompier préféré.

Sebastian plongea son regard rubis dans celui translucide de sa compagne. Mentalement, il lui ordonna d'oublier les événements de la nuit, puis de se rendormir. La crise d'hystérie pouvait attendre qu'il ait réglé ce nouveau problème. Rapidement, mais en silence, il enfila un jean noir et un t-shirt large de la même couleur. Il glissa ensuite sur le toit de son immeuble. De la haut, il pourra voir qui était cet invité imprévu. Il fit un tour d'horizon, puis deux. À sa troisième tentative, il repéra une petit forme à plus de dix kilomètres de chez lui, un peu en-deçà de la limite de son territoire. Il sauta avec souplesse et agilité de toit en toit jusqu'à rejoindre la forme diffuse. En avançant à un rythme soutenu, il finit par reconnaître la silhouette d'une femme. De plus près, il réalisa qu'il s'agissait plus d'une adolescente. Il la scruta un moment, accroupi sur le toit d'une charmante maison. Le clair de lune dévoilait une peau blafarde et des cheveux argenté. Elle ne bougeait pas. Au bout d'un moment, elle leva la tête et posa son regard sur lui. Il sursauta à ce contact visuel. Il eut l'impression d'avoir déjà vu ses yeux qu'il voyait émeraude. D'un geste leste, il sauta de son perchoir et atterrit juste en face de la jeune demoiselle. Elle fit un mouvement de recul en se rendant compte de sa haute taille, mais se reprit et releva courageusement le menton.

_ Qui es-tu ? D'où viens-tu ? Et que fais-tu sur mon territoire ?

_ Je m'appelle Elena Van Kren et si je suis …

Sébastian lui laissa pas le temps de terminer. Il lui sauta immédiatement dessus, la renversant par terre. Elena cria de surprise et n'opposa aucune résistance. Le fils de son ami lui maintenait les poignets de chaque côté de sa tête et la reniflait énergiquement.

_ Je me disais bien que ton odeur avait quelque chose de particulier, déclara-t-il entre ses dents. L'odeur d'Amerendra.

Elena fit une tentative pour pouvoir se dégager, mais Sebastian était plus fort qu'elle. Il sentait fort le sang, preuve qu'il venait de se nourrir, alors qu'elle, elle n'avait pas pu abreuver sa soif depuis trois jours. C'était pour ça qu'elle se sentait si faible et qu'elle n'avait pas entendu le jeune homme arriver et encore moins senti sa présence avant que le vent ne vienne à son secours. Elle concentra le peu d'énergie qui lui restait pour pouvoir se contorsionner jusqu'à se dégager à moitié du corps lourd de l'homme. Assez pour glisser ses genoux entre leur deux torses et de le faire basculer par-dessus sa tête. Avant même qu'elle ne puisse se relever, le sang impur s'était je té une nouvelle fois sur elle, la plaquant cette fois contre le mur d'une des maisons du quartier résidentielle. Elena étouffa un cri de douleur et pria pour que personne n'entende leur lutte. Les mains libres, elle tenta un coup de poing dans la mâchoire de l'homme, mais il était trop grand et elle ne heurta que la base de son cou. Il frémit à peine. Elle réitéra son geste, mais il arrêta son petit poing fermé et lui envoya son genou dans les côtes. Elle se plia en deux en sentant l'un de ses os se briser.

_ Arrête ! hurla-t-elle en reprenant son souffle. Je suis une amie de ta mère ! Je connais Galatea !

Sebastian hésita une fraction de seconde. Se pouvait-il que le vampire disait vrai ? Même si c'était le cas, il s'était juré de tuer tous ceux d'Anetamara qui s'aventurerait sur Terre sans son autorisation. Il plaqua donc à nouveau la jeune adolescent contre lu mur, laissa sortir ses canines et se pencha vers sa clavicule.

Elena retint son souffle. Il allait la morde, mais la morsure d'un vampire sur un autre vampire n'avait d'autre effet que de l'affaiblir. Elle fixa ses iris et constata qu'ils n'étaient pas rubis. Au moment de mordre, tous les vampires voyaient leurs yeux prendre une teinte rubis. Ceux de Sebastian restaient noir. Elle se souvint alors de la prophétie : «  Viendra alors un être à la fois vampire, lycan et mage. Il aura le pouvoir de tuer toutes les autres créatures d'une simple morsure, d'un simple regard ou d'un petit coup de griffes. »

Ses yeux s'agrandirent d'horreur. Si elle le laissait faire, il allait la tuer. Hystérique, Elena se débattit de toutes ses foreces en hurlant le nom de Galatea.

 

 

Anetamara(27)

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1 septembre 2010 3 01 /09 /septembre /2010 20:04

Anetamara (24)

  

  

  

 

                        Chapitre 6 : L'autre monde

 

 

 

 

 

Sebastian sortit avec difficulté de sa léthargie, comme à son habitude. C'était toujours la même chose, comme le goût de bile qui lui venait à la bouche à chaque fois, mais il n'y pouvait rien. Tout ces symptômes étaient le résultat d'un besoin vital à son existence. Sebastian était un vampire et comme tous les vampires, il avait besoin de sang humain pour survive. Tout cela le répugnait, mais moins que son autre nature. Il n'aimait pas non plus devoir aller à la chasse et ramener sa proie chez lui ou la déguster à l'ombre d'une rue en pleine nuit, mais il n'avait pas d'autre choix. Jetant un regard à la forme inerte près de lui, il poussa un long soupir d'agacement. Cette vie commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs. Il rejeta les couvertures avec rage et alla à la cuisine pour boire un verre d'eau. Ce petit rituel avait le don d'enlever le goût de bile, mais pas la culpabilité. À chaque fois qu'il se nourrissait, il avait l'impression d'être l'un de ces végétariens qui ingurgiterait de la viande pour ne pas contrarié son hôte. S'il avait pu faire autrement, il se serait bien passer du goût métallique du sang dans sa bouche. Par manie, mais surtout pour tromper son mécontentement, il rinça le verre utilisé et entreprit de faire la vaisselle du dîner. Il eut fini au bout de dix minutes, mais il n'avait toujours aucune envie de retourner dans son lit. La chambre empestée l'odeur du sang mélangée à celle du sexe. C'était comme cela qu'il opérait. Il séduisait une jeune femme, tantôt en une nuit, tantôt sur une semaine, en faisait sa maîtresse puis un soir il se nourrissait de son sang avant d'effacer de sa mémoire son souvenir. C'était ce qui allait arriver à Gwendoline. La charmante petite blonde avait été sa maîtresse pendant plus d'un mois, un exploit, mais il était temps de la laisser partir. Quand elle se réveillerait, il lui ôterait tous souvenirs de lui. Un autre avantage de sa triple condition. À pas lent, il se dirigea jusqu'à l'immense baie vitrée de son loft au dernier étage d'un vieil immeuble en plein cœur de New-York, à Manhattan. De là, il avait une vue imprenable sur l'Hudson River. Il habitait Upper West Side près du Riverside Park et aimait voire les lumières de New-York se reflétaient dans le fleuve. De sa chambre, il pouvait voire, grâce à sa vision de surhomme, le Central Park. Il avait choisi ce pays en quittant la France car il y était l'un des plus éloigné et qu'à l'époque c'était un pays neuf, en pleine expansion. Il avait exploré le continent américain de long en large avant de décider de s'installer ici. Il y vivait depuis plus d'un demi siècle et il ne se lassait toujours pas de ses lieux et encore moins de ses habitants. Manhattan était comme lui, une ville à la fois diurne et nocturne et elle avait plusieurs facettes. La seule différence, la ville n'avait pas honte de sa diversité alors que lui portait sa différence comme un fardeau. Il détestait ce qu'il était bien plus que ceux qui l'avaient fait comme cela et ceux qui l'avaient obligé à fuir avec sa mère.

_ Sébastian ? appela la voix endormie de Gwendoline.

Sans se presser, Sebastian se tourna ver la jeune femme. C'était une femme sans grande beauté, mais avec un sex-appeal étonnant. Elle était blonde avec des yeux bleus, si clairs qu'ils paressaient translucides, surtout quand ils faisaient l'amour. Ses cheveux était mi-longs et plats, ses lèvres, toujours roses, étaient pleines et sensuelles, son corps était mince et élancé. En contraste avec sa minceur, ses seins étaient d'une belle taille. En la découvrant nue pour la première fois, Sebastian avait été déçu de s'apercevoir que cette si arrogante poitrine était artificielle, mais cela n'avait rien enlevé à la séduction de la jeune femme.

D'un pas nonchalant, le vampire rejoignit l'humaine qui lui avait ouvert les bras. La voir nue devant lui avait fait revenir à l'esprit les images sensuelles des nuits précédentes. Il regrettait presque de devoir se séparer d'elle, mais il l'avait mordue et n'avait plus le droit de la voir. Au fil des siècles, il avait compris qu'effacer les mémoires plus d'une fois comportait des risques et il s'était résous à s'abreuver qu'une seule fois à une fontaine. Il passa un bras autour de la taille fine de Gwendoline et déposa un baiser sur ses lèvres si douces. Elle poussa un petit gémissement de plaisir.

_ Retournons dans ce lit que tu n'aurais jamais dû quitter, Seb !

Il détestait ce diminutif ridicule, mais il obtempéra en songeant aux promesses de plaisir que recelaient le regard lourd de désir de sa jeune amie. Il se laissa guider jusqu'à la chambre docilement. Une fois de plus, il s'étonna de la taille de sa maîtresse. Elle était plus petite que lui, mais elle était grande pour une femme, au moins un mètre quatre-vingt.

Gwendoline le poussa tendrement sur le lit et il s'y laissa tomber en l'entraînant avec lui. Il roula sur elle pour pouvoir la dominer. Le désir qui les habitait était palpable et sans attendre plus longtemps, le vampire s'enfonça en sa compagne avec une lenteur calculée. Son regard était rivé au sien attendant de la voir chavirer dans l'extase. Il commença à remuer tout aussi lentement en elle. Assez vite, elle commença à haleter et son regard s'éclaircit l'émerveillant encore. Ses halètement firent place à des gémissements qui se transformèrent en cris. Au moment où la jeune femme atteignait la jouissance, Sebastian enfonça ses longues canines dans sa clavicules et but encore un peu de son sang. Il s'arrêta quand il la sentit perdre connaissance sous lui. Il se retira d'elle doucement avant de darder son sombre regard sur la petite cicatrice que ses dents avaient laissé. Sans prononcer un mot et sans faire un geste, les deux petits trous se refermèrent comme par magie. Il venait de faire usage des pouvoirs de sa troisième nature. Épuisé par l'effort physique fourni et la magie utilisée, il sombra dans un sommeil profond en serrant contre lui, pour la dernière fois, le corps élancé de Gwendoline.

 

 

 

 

Anetamara (26)

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24 août 2010 2 24 /08 /août /2010 17:10

Anetamara (23)

 

Iria retrouva une respiration normale au bout de quelques secondes. Elle se mit en position assise avec difficultés. Elle regarda autour d'elle et ne vit personne. Doucement, elle revint à la réalité. Elle essaya d'analyser ce qui venait de lui arriver. Si gemmâ Fanélie avait été là, elle lui aurait dit que la jeune femme venait de prouver au monde son statut de magicienne. Elle sourit à cette idée. L'expérience qu'elle venait de vivre avait été plus que troublante. Elle refusa cependant d'y repenser tant elle ressentait encore cette peur atroce. Elle se leva péniblement et après s'être stabilisée sur ses jambes, courut le plus vite possible jusqu'à la bibliothèque royale. Elle n'avait plus de temps à perdre. L'aube pointait déjà le bout de son nez et si elle tardait encore, Luciano allait s'inquiéter et risquait de se mettre en danger pour elle.

Les hautes portes de la bibliothèque étaient toujours fermées. Iria risqua un coup d'œil autour d'elle avant d'oser entrer dans la salle sacrée. Le pièce était immense, occupant la totalité de l'aile est du château. Sur d'innombrables étagères, on trouvait les textes les plus anciens du royaume et des textes encore plus rares, datant de la création d'Amerendra. Bien que résolue à ne pas perdre de temps, Iria ne put s'empêcher d'explorer tous les recoins de cette incroyable bibliothèque. Son amour des livres était plus forte que sa prudence. Pourtant, une petite voix lui murmurait que ce qu'elle avait vu en compagnie de la reine pourrait bien lui arrivait. Luciano l'avait prévenue que les soldats vampires du royaume rentraient au palais une fois le jour levait. Tous à Anetamara savaient que la lumière du soleil affaiblissait les vampires.

Le regard d'Iria tomba sur un ouvrage parlant des rêves. Elle put en lire le titre grâce à sa connaissance de l'ancien langage. Gemmâ Abigail avait tenu à ce que gemmâ Fanélie et un mage précepteur lui enseignent la complexité de cette langue. Elle le prit donc et entreprit de le consulter. Il pourrait peut-être l'aider à comprendre ces rêves étranges qui troublaient ses nuits. Mais la prudence lui commanda de chercher avant tout Stros snoito seigam. Elle le trouva facilement. Il était sur un pupitre au centre de la pièce. En l'approchant, elle sentit comme un champ de force la retenir à l'écart, mais elle put passer. Elle avança lentement jusqu'au livre sacré et le prit délicatement entre ses mains. Alors, elle sentit une énergie extérieure à elle parcourir son corps. Le champ de force qui avait rendu ses déplacements difficiles céda et elle vacilla avant de reprendre son équilibre.

_ Voilà donc la petite chose qui a tant effrayé notre reine, ricana une voix aigüe derrière Iria.

La jeune femme sursauta et faillit laisser les deux ouvrages choir sur le sol. Elle se retourna le plus lentement possible et se retrouva face à une grande brune au teint pâle. Son regard rubis lui indiqua ses origines. Iria se mit à trembler en réalisant qu'elle se trouvait face à un vampire. La femme qui lui faisait face était plus grande qu'elle et d'une beauté surhumaine. Pourtant, tout en elle inspirait la crainte. Ses petits yeux cruels et intelligents à la fois ne laissaient rien présager de bon. Iria eut soudain l'impression de se retrouver dans la vision de la chapelle. Elle recula pour fuir cette créature démoniaque, mais son dos rencontra l'une des étagères de la bibliothèque. La vampire se mit à rire.

_ Inutile de fuir ! lui ordonna-t-elle. A moins d'être un mage accompli ou un vampire ou encore un lycan, tu n'as aucune chance de m'échapper.

Iria déglutit avec difficultés. Elle n'était rien de tout cela. Même si Luciano affirmait qu'elle était une magicienne, elle n'avait pas reçu la formation adéquate pour utiliser ses éventuels pouvoirs. Soudain, elle se souvint d'une phrase que lui répétait sans cesse son précepteur : « Dis-toi bien Iria que maîtriser la langue des anciens c'est maîtriser la magie. Nous avons tous un flux magique en nous, nous devons juste apprendre à nous en servir. Voilà la punition des dieux, jeune fille. Ils nous ont fait oublié la magie que nos corps recèlent. »

Iria ferma les yeux en adressant une prière silencieuse à Alilawen. Elle espérait que le vieux précepteur ne lui avait pas menti. Elle sentit un souffle froid sur son visage et ouvrit les yeux pour constater que l'ignoble vampire se tenait à quelques centimètres d'elle.

_ Que fais-tu ? Tu pries pour qu'on vienne à ton secours. Saches que personne ici ne se risquera à contrarier mon envie de ton sang.

La vampire se remit à rire à gorge déployée. Iria vit ses canines luire à la faible lumière des boules magiques du plafond. Son sang se glaça en imaginant ses choses immondes s'enfoncer dans sa chaire. Elle repoussa de toutes ses forces la grande brune et tenta de fuir, mais cette dernière lui attrapa le bras et la tira violemment vers elle. Iria se retrouva prisonnière des bras de la vampire. Elle ouvrit la bouche pour hurler, mais aucun son ne sortit de ses lèvres. Elle vit comme dans un rêve les canines s'allonger et s'approcher dangereusement de sa clavicule. La jeune femme se débattit tant qu'elle put, mais n'arriva à rien si ce n'est exciter encore plus son agresseur. A bout de force et abattue par son manque de solution, Iria cessa de gesticuler. Elle ferma les yeux en attendant la fin de sa si jeune vie. Elle pensa qu'elle ne connaîtrait jamais ses origines. Elle revit la peau ébène de Luciano si douce contre la sienne, son sourire moqueur mais si tendre, sa voix grave et sensuelle et ses magnifiques yeux noirs. Réalisant son attachement pour le lycan, Iria laissa échapper un hoquet de surprise.

_ Je savais que tu ne pourrais pas t'en sortir sans moi, tonna une voix si familière à ses oreilles.

Les yeux toujours fermés, Iria se sentit glisser sur le sol quand le vampire la lâcha brusquement. Elle rétablit son équilibre et croisa le regard noir qui la faisait tant frissonner. Luciano était là, dans la bibliothèque royale. Prise d'un élan de gratitude et de soulagement, elle se jeta dans ses bras.

_ Roi Luciano, la reine Elisabelle sera heureuse d'apprendre votre présence entre les murs de Lyderem.

_ Epargne-moi ton ton mielleux, Loanna ! Les traitres de ton genre n'ont pas le droit de s'adresser à moi.

Loanna grimaça de colère. Même déchu, Luciano Melgrove continuait à se pavaner comme un paon. Elle avait une haine farouche envers les lycans. Ils avaient détruits son village quand elle n'était qu'une enfant, la laissant pour morte. Elle devait sa survie au véritable maître des vampires et non à ce fourbe de Gladius. Elle reporta son attention sur le loup et eut un rictus amusé en le voyant consoler la jeune magicienne. La nièce d'Elisabelle. Savait-il, cet ignorant, qu'il tenait entre ses bras la chose qu'il condamnait le plus au monde ? Une sang impur ! Cette fois-ci, elle grimaça de dégoût. Elle n'arrivait pas à concevoir le mélange des races. Elle ne pouvait s'imaginer copuler avec un lycan ou un mage.

_ Iria, t'as-t-elle mordue ? questionna le lycan inquiet.

La jeune femme répondit par la négative.

_ Tu as interrompu mon repas, Luciano. Tu sais comment sont les vampires quand leur soif n'est pas assouvie ?

_ Crois-tu vraiment pouvoir m'intimider ?

Sans répondre, Loanna se jeta sur lui. Il eut juste le temps de s'écarter de sa trajectoire en entrainant avec lui Iria. Celle-ci se réveilla soudain de sa léthargie et s'éloigna de lui pour le laisser libre de ses mouvements. C'était exactement ce qu'avait voulu Loanna. Maintenant, elle pouvait attaquer la jeune femme et maintenir le lycan à distance. Elle fit un bon en direction d'Iria mais se heurta au mur de muscles que représentait le corps de Luciano. Il agrippa ses cheveux et l'envoya valser à l'autre bout de la pièce. La vampire se réceptionna sans mal et se jeta à nouveau sur la magicienne. Cette fois-ci, elle vit Luciano venir vers elle et changea à la dernière minute de trajectoire. Le lycan resta sur place, les bras enlaçant le vide. Il jura entre ses dents et fit volteface. Trop tard, Loanna tenait Iria par les épaules. Elle la plaqua contre le mur avec une brutalité surhumaine. D'où il était, Luciano put entendre l'un des os de la jeune femme craquait sous le choc du geste. Le cri d'Iria retentit dans toute la pièce, agaçant l'ouïe fine du lycan. Il jura de plus belle et avança vers les deux femmes. Soudain, il vit Loanna passait au-dessus de sa tête et s'écraser sur le mur derrière lui.

Iria était stupéfaite. Elle n'avait fait aucun geste et pourtant la vampire se tenait loin d'elle à présent. Elle réalisa soudain ce qui venait de se passer. Sans le vouloir, elle avait fait usage de la magie. Elle avait penser très fort en ancien langage au mot « pousser » et Loanna avait été repoussée le plus loin possible d'elle. Elle croisa le regard étonné de Luciano. Derrière lui, elle vit Loanna se relever vivement et se mettre en position d'attaque. Avant qu'elle ne puisse se jeter sur le lycan, Iria cria : « uef » et une immense gerbe de feu partit de ses mains pour s'écraser sur le torse du vampire.

Iria vit le corps du suceur de sang s'embraser et une odeur acre surprit ses narines. Un cri effroyable s'échappa des lèvres de Loanna. Ce cri serra le cœur d'Iria de douleur. Des larmes lui brouillèrent la vue. Elle ne vit donc pas Luciano lui prendre la main et l'entrainer dehors. Une fois à l'extérieure de la place fortifiée, il la prit dans ses bras et se mit à courir jusqu'à la forêt.

 

Iria reprit connaissance en fin de journée. Luciano avait entendu parlé des pertes d'énergie qu'occasionnait la pratique de la magie, mais il avait été surpris par la réaction de sa jeune compagne. Elle avait perdu connaissance une fois l'enceinte du château derrière eux et il avait de suite paniqué. Il avait fait les cent pas jusqu'à ce qu'elle reprenne connaissance et maintenant qu'elle était bien réveillée, il ne savait pas quoi lui dire.

Iria s'étira longuement avant de s'asseoir et de plonger son regard dans celui de Luciano.

_ Que faisons-nous maintenant ? Demanda-t-elle d'une voix tremblante.

Luciano sentit la tristesse qui émanait d'elle. Il avait su au moment où Loanna brûlait qu'Iria allait s'en vouloir pour ce geste malencontreux. Mais il était heureux de constater qu'elle savait faire usage de la magie. Cela allait simplifier leur arrivée dans cet autre monde. Voulant épargner à la jeune femme de se remémorer le début de journée, il lui tendit le livre des mages.

_ Étudie-le et trouve le moyen d'ouvrir la Merkaba ! Au lever du soleil, nous ferons une tentative.

Sans discuter, Iria lui obéit. Elle voulait occuper son esprit pour ne plus penser à la vie qu'elle venait d'ôter. Mais avant de lire le chapitre sur l'ouverture de portes inter-dimensionnelles, elle consulta celui sur la guérison de blessure. L'une de ses côtes s'était brisée lors de son corps à corps avec Loanna et une douleur insupportable la tenaillait. Elle trouva ce qu'elle cherchait dans le volumineux ouvrage. Imitant les gestes dessinés, elle récita la formule de guérison :

« sniam sem ed ecrofal rapek,

nios nu etropa tios em :

esac so tecek

érapére tios »

Une lumière violette s'échappa de ses mains maintenues au-dessus de sa côte cassée. Une douleur vive lui arracha un cri en même temps qu'un bruit sec retentit à l'intérieur de son corps. Pantelante, elle vérifia que tout allait bien. Dans l'ombre d'un arbre, Luciano admirait les pouvoirs de cette magicienne naissante.

 

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24 août 2010 2 24 /08 /août /2010 16:23

Anetamara (22)

 

 

 

 

Lahav était son demi-frère. Il était né hors mariage, bien avant que leur mère rencontre son père. Il n'était pas de sang royal, c'est pour cela qu'il avait une chevelure rousse et non argentée comme tous les souverains de la caste des mages. Bien qu'il fusse son aîné, Lahav n'avait jamais su prendre l'ascendant sur Elisabelle. Pourtant, il avait été le mage le plus puissant du royaume. Sa connaissance des textes sacrés, sa maîtrise des langues anciennes et surtout sa faculté à mémoriser et à inventer de nouveaux sorts avaient toujours suscité la jalousie chez sa jeune sœur.

Quand Elisabelle eut une dizaine d'années, son frère lui avait expliqué l'origine de son nom. Lahav était un mot d'une langue très ancienne qui signifiait flamme. Elle était si ancienne que les premiers amérendraens étaient peu nombreux à la connaître. C'était son père qui l'avait nommé ainsi en référence à sa chevelure de feu.

Lahav avait été un enfant joyeux jusqu'à la majorité d'Elisabelle. A ce moment là, il s'était isolé pendant près d'un siècle en vivant en ermite. Pourtant, la reine se souvenait des jours où on l'autorisait à le rejoindre dans sa retraite. C'était à lui qu'elle devait son talent de magicienne. Il lui avait pris les mots anciens pour maîtriser le flux d'énergie que recelait son corps. Il avait également été son seul confident et son plus astucieux conseiller quand son père lui laissa la gestion de la communauté magique. Elle ne l'avait dit à personne, mais elle était même tombée amoureuse de lui. Il n'en avait jamais rien su, mais elle avait été heureuse comme cela. Puis vint le jour où la nouvelle gardienne dut être formée. On envoya la jeune orpheline dans le repère de Lahav pour parfaire ses connaissances magiques et être transformée en une créature à part entière.

A sa première visite, Elisabelle sut que son frère était épris de la future gardienne de la Merkaba. Son cœur avait accusé le coup en silence, mais la douleur fut vive. Elle avait vu son amour pour Tara grandir sans pouvoir rien y faire. Elle avait pourtant tenté de lui faire comprendre que la jeune femme était convoitée par un autre, mais il continua à se bercer d'illusions.

Puis vint ce jour maudit où il décida d'avouer ses sentiments à la gardienne. Le même jour, Lahav la surprit avec celui dont sa sœur lui avait parlé. Mais si aucun geste déplacé fut esquissé sous ses yeux, l'amour que se vouaient les deux jeunes gens lui brisa le cœur.

Elisabelle le revit rentrant à Nionuledeauta ce jour-là, car à l'époque elle était à la tête du royaume.

_ Que t'arrive-t-il, Lahav ? lui avait-elle demandé angoissée.

Le mage était couvert de bleus et quelques gouttes de sang maculaient ses vêtements. Il ne lui avait rien dit, se réfugiant dans un mutisme inquiétant. Puis vint la police royale. Ils l'arrêtèrent et il fut jugé deux mois plus tard. Le verdict tomba comme une couperet. Lahav était reconnu coupable de viole et de violences sur la personne de Tara Bonitan. Il avait également enfreint une loi ancienne : « nul homme, mage, lycan ou vampire ne concevra de descendance avec une autre espèce que la sienne ». Tara s'était donc retrouvée enceinte et Lahav écopa de la peine de mort.

 

Elisabelle plongea une nouvelle fois les yeux dans le regard améthyste de sa nièce. Quel était encore son nom ? Ah, oui, Iria. Seuls ses étranges yeux rappelaient sa mère et ses cheveux son père, mais le reste de son anatomie lui était propre.

_ Connais-tu tes origines ?

Iria nota le tutoiement et trouva cela étrange. Luciano, par manque de civilité, avait cette mauvaise habitude, mais de la part d'une reine aussi raffinée qu'Elisabelle, c'était étonnant.

_ Non, avoua-t-elle sans aucune honte.

Elisabelle l'étudia une nouvelle fois, se demandant si elle devait lui accorder sa confiance. Qu'avait-elle à craindre après tout ? Il semblait évident que la jeune femme ne connaissait pas les conditions de sa conception et encore moins les liens qui unissaient ses parents. Qui plus est, elle était certaine qu'Iria ignorait leur identité.

Iria profita du fait que la reine fusse plongée dans ses pensées pour pouvoir la contempler. Ce que l'on disait de sa beauté n'était pas une légende, nota-t-elle. Il émanait de la souveraine une force tranquille qui l'impressionnait. Deux petites cicatrices à la base de son cou attirèrent son attention. A cette vue, une peur panique s'empara de la jeune femme. Sa respiration s'accéléra, les battements de son cœur devinrent assourdissants et une sueur froide inonda son corps. Un vertige la fit vaciller et la reine la rattrapa avant qu'elle ne touche le sol. A ce contact, une chose étrange se produisit. Ses iris se couvrirent d'un voile opaque, son corps fut traversé par de grands tremblements et sa mâchoire se contracta.

Elisabelle reconnut immédiatement les symptômes d'Iria. La jeune femme avait le don de voyance que seules les sorcières possédaient. Iria avait à l'instant même une vision. La reine la relâcha brutalement, apeurée à son tour. Les sorcières étaient différentes des magiciennes. Elles étaient néfastes et bien plus puissantes. Elle recula à petits pas en voyant le corps de sa nièce se convulsait, puis elle se mit à courir en songeant aux cauchemars qui la hantaient ces derniers mois.

 

 

Anetamara (24)

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19 août 2010 4 19 /08 /août /2010 15:57

Anetamara (21)

 

 

 

Iria avait poussé la lourde porte de la chapelle royale d'une main tremblante. Depuis que le garde l'avait surprise devant la bibliothèque royale, elle n'arrêtait pas de trembler. La traversée des longs couloirs du château l'avait aidée à se calmer un peu. Elle avait raconté au mage qui l'avait découverte s'être perdue dans le dédale de couloirs. Il l'avait crue et lui avait proposé de l'accompagner jusqu'à la chapelle. Elle n'avait eu d'autre choix que d'accepter. Elle avait marché derrière lui sans dire un mot et fixant le sol. Luciano lui avait bien recommandé de ne montrer ses yeux à qui que ce soit sous peine d'être reconnue. Elle avait été surprise par cette déclaration. Il était vrai que la couleur de ses iris n'était pas commune, mais elle n'était pas recherchée par les hommes de la reine. Elle respecta cependant les recommandations de son compagnon dont elle regrettait la rassurante présence en ce moment.

_ Voilà, gemmâ, déclara le soldat en se reculant pour la laisser passer. Les autres membres de votre congrégation vous attendent.

La jolie rousse le remercia d'une toute petite voix avant de se dépêcher de rejoindre le centre de la pièce. Elle s'arrêta net quand elle reconnut la femme qui se tenait au centre des prieuses. Elle ne portait pas la longue robe grise des religieuses, mais un bliaud d'un rouge carmin aux manches longues et larges qui laissaient apparaître de longs doigts fins. Ses cheveux étaient coiffés d'un bourlet de la même couleur que sa robe qui laissait apparent une longue frange épaisse de couleur argenté. Iria n'eut nullement besoin de voir les immenses yeux obsidienne ou encore le jolie visage rond de poupin. La seule couleur de ses cheveux témoignait de son identité. La jeune femme se trouvait à quelques mètres à peine de la reine Elisabelle, reine des mages et actuellement souveraine illégale du royaume d'Anetamara.

_ D'où venez-vous gemmâ ? interrogea l'une des religieuses présentent. Vous avez failli être en retard pour la prière du matin.

Le ton de reproche lui fit immédiatement penser à gemmâ Abigail. Refoulant un sentiment de nostalgie, elle s'inclina légèrement pour s'excuser et donna la raison de son retard dans un murmure. Puis, elle se mit à genoux comme les autres face à l'incroyable statue de la déesse Alilawen. Les religieuses entamèrent un chant en son honneur en ancien langage qu'Iria connaissait par cœur. Machinalement, elle joignit sa voix claire à celles des autres femmes.

«  Eival essède Alilawen,

Nach ertôn etuoce

Nomed sed suon egetor te. »

une fois le cantique terminé, un silence d'or s'étendit à toute la chapelle. Il reflétait la paix dans laquelle se trouvait les âmes ici présentes.

_ Vous avez une voix magnifique ! énonça d'une voix douce la reine Elisabelle à Iria.

La jeune femme sursauta et baissa les yeux sur ses mains jointes contre sa poitrine.

_ Je vous remercie du compliment, votre majesté, réussit-elle à articuler malgré son angoisse.

_ Levez-vous et venez près de moi !

Iria s'exécuta tremblante. Elle garda la tête penchée vers le sol pendant que la reine se relevait. Elle lui faisait face à présent. La souveraine la dépassait de quelques centimètres seulement, mais elle ressentit quand même une impression de domination.

_ Pourquoi vous obstinez-vous à observer le sol ! Regardez-moi !

Une sueur froide glissa le long de la colonne vertébrale d'Iria. Elle eut soudain la certitude que si la reine voyait son visage, elle la reconnaîtrait et ce serait finie de sa mission. Mais c'était absurde, elle n'avait jamais rencontré la magicienne avant aujourd'hui. S'exhortant au calme, elle leva lentement son visage et rencontra la douceur de regard d'Elisabelle.

Elisabelle avait été subjuguée par le timbre de la voix de la petite religieuse retardataire. Elle disait petite, mais elle devait reconnaître que cette jeune personne était loin de l'être réellement. De toute évidence, la gemmâ devait faire un bon mètre soixante-dix car même la tête baissée, la reine la dépassait à peine. Lorsque la jeune femme releva les yeux, Elisabelle eut un petit sursaut que peu de monde remarqua, même pas la religieuse. La souveraine se perdit dans le regard améthyste au reflet argent et sembla être happée par ses souvenirs. Machinalement, elle porta sa main droite à son cœur pour le faire taire. Elle eut soudain l'impression qu'on le lui arrachait de la poitrine et plus elle regardait ce visage à l'ovale parfait et plus la douleur l'étouffait. Sans le vouloir, elle lâcha un petit sanglot que personne n'entendit sauf cette jeune femme.

_ Quel est votre nom, jeune gemmâ ? demanda-t-elle d'une voix blanche. Et ne vous avisez pas à me mentir, car je connais votre véritable identité.

Bien que ce fut un ordre, la voix de la souveraine était restée douce, mais Iria ne s'en laissa pas abuser. Elle vit une lueur dangereuse éclairée le joli regard obsidienne et chasser la tristesse présente l'instant d'avant. Iria recula d'un pas, prête à fuir, mais Elisabelle lui agrippa le bras en y enfonçant ses longs ongles couleur carmin. L'orpheline se mordit la lèvre pour ne pas crier de douleur.

_ Laissez-nous seules ! ordonna la reine. Et que personne ne me dérange ! Sous aucun prétexte ! insista-t-elle encore.

Les religieuses s'exécutèrent en quelques secondes à peine et Iria vit des soldats quitter la protection des longues colonnes et sortir.

Restée seule avec la reine, elle se mit à trembler violemment. Elle sentait autour d'elles une aura emprunte de colère et de tristesse qui lui étreignait le cœur. Elle osa croiser le regard noir de la souveraine et se rendit compte que des éclats émeraude parsemés ces yeux. Elle se dit que les iris de la magicienne avait toutes les propriétés de la pierre obsidienne qui recouvrait le sol du royaume de Ciriaràn à l'extrême nord d'Amerendra.

_ J'attends toujours votre réponse, reprit la reine d'une voix plus sereine.

_ Je suis Iria, orpheline de la ville de Nemrast, votre majesté.

Sans savoir pourquoi, Iria avait senti qu'elle devait dire la vérité à cette femme même si Luciano ne lui faisait pas confiance.

_ Et que fais-tu si loin de ta ville ?

_ Je..., Gemmâ Abigail, la supérieure de notre couvent, m'a envoyée parcourir le royaume avant de terminer mon apprentissage de gemmâ.

Elisabelle avait noté son hésitation, mais quelque chose dans ce regard si familier semblait lui dire que c'était la vérité. Se serait-elle trompée ? Après tout, Tara n'était pas la seule femme d'Anetamara à avoir ce regard améthyste.

Iria n'avait pas son pareil pour énoncer un mensonge, ce qui faisait toujours enrager les gemmâs du couvent. Elle lut dans le regard de la reine qu'elle hésitait à la croire.

_ Enlevez votre voile ! ordonna encore Elisabelle.

Iria songea a désobéir, mais le pli dur de la lèvre de son interlocutrice l'en dissuada. D'une main tremblante, elle entreprit d'enlever son voile.

Elisabelle vit comme dans un rêve la longue chevelure auburn de la jeune femme s'étalait avec volupté sur ses fines épaules. Son cœur sembla manquer quelques battements avant qu'elle ne puisse reprendre ses esprits. Avec hésitation, elle plongea ses doigts fins dans ces cheveux soyeux et souples pour soupeser les longues boucles. Un hoquet de surprise lui échappa quand elle crut en reconnaître la texture sur sa peau nue. Elle frissonna en songeant à celui qui avait donné cette magnifique couleur aux cheveux de la femme qui se tenait devant elle. Une fois de plus, ses souvenirs tentèrent de la happer, mais cette fois elle ne lutta pas… .

 

 

Anetamara (23)

 

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18 août 2010 3 18 /08 /août /2010 18:18

Anetamara (20)

 

 

  

Chapitre 5 : Naissance d'une nouvelle magicienne

 

 

 

Le palais de Lyderem avait un aspect impressionnant dans la pâle lumière de Velana. Stella avait disparu depuis longtemps et dans peu de temps l'autre lune d'Amerendra la rejoindrait. Iria examina les alentours du château en frissonnant. Luciano l'avait accompagnée jusqu'à l'entrée de la ville avant d'aller se cacher dans l'une des échoppes encore ouverte à cette heure tardive de la nuit. Iria devrait dire déjà ouverte à une heure pareille. Il ne restait plus que trois heures avant que le soleil se lève et le lycan lui avait bien précisé qu'elle devait agir d'ici là. Il le lui avait répété une centaine de fois durant la journée qui venait de s'écouler. La jeune femme avait plusieurs fois voulu lui dire qu'elle n'était pas capable de faire une chose pareille, mais elle savait que le roi ne l'aurait pas écoutée. Elle devait faire de son mieux pour aider Luciano même si elle pressentait qu'il allait bientôt se débarrasser d'elle.

Iria frissonna encore. Un petit vent glacé venait de s'engouffrer sous sa longue robe de religieuse, lui enlevant le peu de chaleur qu'elle avait encore. Elle repassa pour la énième fois le plan du lycan dans sa tête. Il lui avait dit d'attendre le changement de gardes pour entrer par la grande porte du château. Son déguisement devait lui assurer l'anonymat si elle devait croiser quelqu'un avant d'être entrée dans le hall. Il lui avait expliqué que la reine Elisabelle recevait souvent la visite de gemmâs pour apaiser son âme tourmentée. A cette annonce, elle avait interrogé Luciano sur ses connaissances et il lui avait répondu par un sourire froid et distant. Il venait de lui signifier que les secrets des rois restaient entre les rois. Elle n'avait donc pas insisté même si son habituelle curiosité l'avait taraudée. Elle sourit en songeant que depuis sa rencontre avec le chef des lycans, elle devait vivre dans le doute et réfréner sa nature curieuse. Elle qui se piquer au couvent de connaître tous les potins de Nemrast, ne savait même pas ce qui adviendrait d'elle une fois sa mission accomplie.

S'armant de courage, la jeune femme s'avança vers l'immense pont levis. Le château de Lyderem était une place fortifiée qui ne fermait qu'en temps de guerre. Luciano lui avait assurée que l'orgueil démesuré de la reine lui assurerait de voir toutes les portes ouvertes même en pleine nuit. Elle se demanda avec un sourire moqueur lequel des souverains d'Anetamara étaient le plus orgueilleux. A son humble avis il ne pouvait s'agir que de l'irascible Luciano Melgrove. Le lycan occupait un peu trop ses pensées ces derniers jours, songea-t-elle troublée. En même temps, c'était normal vu qu'elle ne fréquentait que lui depuis plusieurs jours déjà, mais quelque chose lui disait qu'elle se mentait à elle-même. Elle n'avait aucune envie de connaître la réponse à son questionnement les étranges sensations qu'elle ressentait au contact du lycan, c'est pourquoi elle pressa le pas. Elle passa le pont levis la tête basse sans que les deux gardes fassent attention à elle. Ils portaient le blason de Nemrast et la jeune femme sentit l'aura particulière des mages. La peur s'empara d'elle. Elle allait commettre un vole et si elle se faisait prendre, elle ne doutait pas que la punition serait à la hauteur de la faute.

Iria poussa un soupir de soulagement quand elle se rendit compte qu'elle se trouvait sur la grande place de la court avant du château. Il n'y avait personne et les deux gardes continuaient à parler entre eux sans lui accorder la moindre attention. Elle s'étonna de ne pas les avoir vus l'arrêter pour l'interroger sur sa venue dans le palais. Il semblait que Luciano avait raison : le personnel du château avait l'habitude de voir venir des gemmâs à toute heure de la journée et de la nuit. Elle continua son chemin un peu plus rassurée. Si son compagnon de fortune avait eu raison pour cette étape de leur plan c'est que tout le reste se passerait bien. Forte de cette certitude, elle entra d'un pas plus léger dans l'immense demeure des souverains d'Anetamara. Une fois à l'intérieure, elle fut hypnotisée par l'immense hall d'entrée. Il était éclairée par de grandes boules lumineuses de différentes couleurs qui flottaient près du haut plafond de forme arrondie. Le sol était couvert de marbre qui étouffait à merveille le bruit des pas des habitants du château. Dans sa description du lieu, Luciano avait dit que Nionuledeauta n'avait pas le faste du château de Nemrast, ni l'imposante stature du manoir d'Oroméo et encore moins les fortifications et les œuvres d'arts du palais d'Elletagem. La jeune femme, qui ne connaissait pas ces différents lieux songea qu'elle doutait qu'il puisse exister une demeure plus grande et plus belle que celle-ci. Elle continua son exploration en laissant courir son regard améthyste sur les immenses colonnes recouvertes de feuilles d'or qui soutenaient la voûte. En fronçant légèrement les yeux, elle remarqua que les boules lumineuses cachaient une peinture murale. Elle ne pouvait la distinguer, mais songea qu'elle devait être belle. Elle continua son chemin en s'arrêtant devant chaque détail qui l'émerveillait. Tantôt une sculpture, tantôt une fresque ou un tableau, ou encore les différents ornements de la pierre qui soutenait tout l'édifice. Tout à sa contemplation, elle ne se rendit compte que trop tard que des bruits de voix venaient vers elle. Elle eut juste le temps de se dissimuler derrière un immense tapis mural qui représentait une scène de chasse de fauves.

_ La reine a encore fait l'un de ses horribles cauchemars, dit une voix suraigüe. Elle m'a réveillée avec ses cris et j'ai bien cru cette fois qu'elle allait m'arracher les yeux.

Une autre personne pouffa.

_ C'est sa conscience qui lui joue des tours, je te dis moi, dit une voix plus basse. Elle doit regretter ce qu'elle a fait. On dit même que ses cauchemars seraient causés par la sorcière qu'elle a faite prisonnière.

_ Moi, je dirais qu'elle voit dans ses rêves le retour du roi Luciano. Elle a peur de lui et j'ai entendu dire que personne dans le royaume ne sait où il se cache. Je te parie qu'à son retour, elle va pa....

Les voix s'éloignèrent et Iria ne distingua plus que quelques murmures. Elle attendit que le silence retombe complètement avant d'oser sortir de sa cachette. Elle décida d'arrêter de flâner et de poursuivre sa mission avant de croiser d'autres personnes sur son chemin. Prudemment, elle fit demi tour car, selon le plan que lui avait fait Luciano, elle s'était trop éloignée de l'aile où se trouvait la bibliothèque principale du royaume. Elle regarda encore une fois la feuille qu'il lui avait donné avant de la glisser dans sa poche. Elle arriva sans encombre devant les immenses portes de chêne sculptées. Les portes étaient d'un marron très sombre, presque noire. Les sculptures représentaient une scène de torture subit par les premiers habitants d'Amerendra par les dieux créateurs. Ils avaient été punie pour leur insoumission. Les différentes scènes racontées la punition finale, la séparation des anciens en quatre castes différentes : les mages étaient les premiers, tout puissants de leur magie, venaient ensuite les vampires, immortelles et invincibles, en troisième position les lycans, homme se changeant en loup pour préserver leur espèce, et pour finir les humains, simples mortels. Iria se souvenait de cette légende qui avait bercé son enfance. Gemmâ Fanélie adorait lui conter toutes ces fables. Les dieux du culte des gemmâs n'étaient pas des dieux punisseurs. Les habitants d'Amerendra avaient été conçus à leur images. Les dieux étaient au nombres de quatre et représentaient les quatre castes de la planète. Il y avait Garvalf, le dieu à l'apparence d'un loup et gardien du royaume des morts; Draugr le gardien d'Amerendra, généralement représenté avec d'immenses ailes et portant la planète sur ses épaules; Elfia, gardienne des deux lunes représentait la nature. La déesse est souvent représentée sous forme d'un arbre ancré dans le sol d'Amerendra portée par Draugr. La dernière déesse de ce quatuor divin était Alilawen, déesse de la vie représentée sous les traits d'une femme-enfant.

Avec nostalgie, Iria songea qu'à Nemrast, à cette heure, les gemmâs se réunissaient pour prier la déesse Alilawen. Elle laissa ses doigts glisser sur les gravures avant de sursauter.

_ Gemmâ, que faites-vous dans cette partie du château ? Demanda une voix nasillarde dans son dos. Ne devriez-vous pas être auprès de notre reine pour la prière du matin ?

Un long frisson parcouru l'échine de la jeune femme qui ne savait pas quoi répondre.

 

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9 août 2010 1 09 /08 /août /2010 13:53

Anetamara (19)

 

  

Lyderem était une ville où les rue ne désemplissaient pas de la journée. La ville des rois d'Anetamara était surtout connu pour ses grandes boutiques de textiles et pour ses nombreux lieux de beuveries. Aucune ville du royaume n'offrait la même effervescence ou encore la quantité ou la qualité de ses lieux de fêtes. Les maisons et les magasins de la ville étaient rassemblés dans un amas bien serré au pied de l'immense château des trois souverains. Par habitude, on parlait du château de Lyderem, mais son véritable nom était Nionuledeauta ce qui signifiait dans la langue des anciens « le château de l'union ». Ce nom était un souvenir au traité de paix signé plus de 3000 ans auparavant entre les ancêtres des familles Melgrove, Van Kren et Croël. Ce même traité qu'Elisabelle Croël venait de rompre sans aucuns scrupules par pure vengeance.

Iria traversa la ville d'un pas hésitant. Ils étaient arrivés tôt dans la matinée. Après avoir vérifier leur provision, Luciano lui avait ordonné d'acheter de quoi préparer le repas du soir. La jeune femme avait été trop heureuse de pouvoir le fuir et se promener dans cet endroit qu'elle ne connaissait pas. Si au début elle s'était sentit heureuse de se balader ainsi, elle déchanta vite. Il régnait dans la ville des souverains une atmosphère lourde, chargée de crainte et de colère. Elle avait l'impression que tout le monde la fixait avec suspicion. Elle fit donc ses achats et retourna au plus vite auprès du taciturne lycan.

_ Alors, comment as-tu trouvé Lyderem ? l'interrogea-t-il dès son arrivée.

_ Je n'ai pas aimé !

Luciano se mit à rire à gorge déployée. L'air boudeur de sa compagne de fortune était bien trop comique pour qu'il se prive du plaisir de se moquer d'elle.

_ Et qu'est-ce qui t'as le plus déplu ?

_ Les gens, répondit-elle en toute innocence. Ils ne ressemblent en rien à ceux qui vivent à Nemrast. Je n'ai vu nulle part un seul de mes semblables.

_ Par « semblables », tu veux parler des humains ? Si c'est le cas, oublie ! Les humains ont tous été enfermés pour commencer l'élevage. Elisabelle prévoit de les utiliser comme monnaie d'échange contre la loyauté des vampires. Elle a fait arrêté tous les humains du royaume.

Il marqua une pause pour observer la réaction d'Iria. Comme il s'était attendu, il vit la jeune femme masquer son horreur avec un visage impassible. Son regard améthyste luisait d'une profonde réprobation et colère qui détrompaient le reste de son masque.

_ Mais tu as croisé bon nombre de tes « semblables », continua-t-il ironique. Oublierais-tu que tu appartiens à la caste des mages aussi bien qu'à celle des humains ?

Iria lui lança un regard furibond tout en se félicitant de lui avoir caché son dernier rêve. En se réveillant ce matin-là, elle avait eu envie de tout lui dire, mais son regard froid l'avait arrêtée. Ensuite, elle n'avait plus trouvé l'occasion de lui en parlait. Elle avait eu l'impression que Galatea l'avait vu, mais c'était impossible. Après tout ce n'était qu'un rêve, quoiqu'en dise Luciano.

_ Prépare donc le dîner ! ordonna le souverain. Nous discuterons ensuite de ta mission de demain.

_ Si vous avez faim, vous n'avez qu'à le préparer vous même votre repas !

Iria en avait plus qu'assez de cette façon condescendante avec laquelle il s'adressait à elle. Elle n'était pas l'une de ses servantes et maintenant que la reine Elisabelle avait renversé le régime en place, elle n'était même plus l'un de ses sujets.

_ On se rebelle ? demanda Luciano ironique. Ça change de ton impassibilité du début. Ben, soit, ne mangeons pas et attaquons-nous à un problème plus grave ! Mais je tiens à te prévenir, je suis très grognons quand je n'ai pas le ventre plein.

Bougonnant avec force, Iria se dirigea vers le feu avec sa casserole. Elle mit de l'eau à bouillir avant d'y jeter les légumes qu'elle avait acheté au marché. Quand la bouilli fut prête, elle y ajouta des morceau de pain rassi. Elle tendit une assiette pleine de la bouilli au lycan et s'éloigna de lui pour s'occuper des chevaux.

Luciano grimaça de dégoût. Les lycans n'aimaient guère les légumes, ils préféraient de la viande bien rouge. Il ne se plaignit cependant pas car il ne savait pas cuisiné. Il était heureux que la jeune femme lui ait obéi malgré ses réticences. Il allait agrémenter ce semblant de potage avec de belles tranches de jambon cru pour tromper son palais.

Iria le regarda manger en silence, pestant toujours contre son caractère démagogique. Ce lycan se comportait comme un vrai tyran, ne la considérant que comme une chose négligeable. Elle commença à murmurer des douces paroles aux oreilles d'Ayaka pour tromper son mécontentement. Au bout de dix minutes, sa bonne humeur coutumière lui revint comme si elle n'avait jamais disparu. A mi voix elle entonna un des chants religieux que gemmâ Fanélie lui avait appris dans son enfance. De douces images d'enfants préparant un gâteau ou encore s'entraînant pour la chorale de fin d'année lui revinrent en mémoire. Un sourire attendri illumina son visage pâle.

_ Pourrai-je espérer que ta mauvaise humeur soit passée ? demanda Luciano avec un sourire en coin en la rejoignant.

Lui opposant un mépris silencieux, Iria lui tourna le dos.

_ Nous avons régler le problème d'un refuge pour les partisans de l'ancien régime, continua-t-il sans se déconcerter. Je suis assez fier de moi. Je pensais qu'Alban serait plus difficile à convaincre.

_ Je ne me réjouirai pas trop vite à votre place, assena acerbe Iria. Il accorde son aide aux lycans et aux humains, mais pas aux vampires. Il y en a qui ne sont pas d'accord avec ce qu'a entreprit la reine Elisabelle, selon les habitants de Lyderem. Ils disent que des vampires rebelles ont saccagé un petit village au nord de Nemrast en signe de protestation.

_ Ce n'est pas la meilleure solution, bougonna Luciano. Mais ne t'inquiète pas pour les vampires ! Ils ont un caractère naturellement fourbe et j'ai fait le nécessaire pour qu'ils connaissent mes intentions. J'ai bon nombre d'amis parmi cette race quoiqu'en dise les uns et les autres. Avant de quitter Oroméo, j'ai laissé des consignes pour que les fidèles sachent où me trouver. D'ici un jour ou deux Alban risque de voir sa forêt envahie par des lycans rescapés et il a pour mission de transmettre un message à mon homme de main. Je lui ai dis comment le reconnaître. Il doit ensuite traverser tout le royaume pour porter le même message aux vampires en qui j'ai confiance.

_ Quel est ce message et êtes-vous sûr de leur loyauté ?

Le ton angoissé de la jeune femme le fit sourire.

_ Je ne fréquente pas beaucoup de buveurs de sang. Ceux que j'estime loyaux ont pour consigne de se fondre parmi l'ennemi en attendant le retour de l'élu. Il n'y a que deux peuples en danger dans le royaume pour l'instant : les humains et les lycans. Les autres ont une liberté relative.

Iria médita un moment les paroles du souverain. Il semblait sûr de lui et ne pas agir dans la précipitation.

_ Depuis combien de temps préparez-vous cette opération ? demanda-t-elle.

_ Depuis un mois. Depuis que la garde personnelle de Gladius l'a informé des agissements d'Elisabelle.

_ Si vous étiez au courant depuis si longtemps pourquoi ne pas l'avoir arrêtée avant ? s'insurgea Iria.

_ Parce que les relations entre les souverains d'Anetamara sont pour le moins délicates. Il nous fallait des preuves qui ne sont jamais venues.

Luciano s'enferma dans un silence pesant. Il se demandait comment faire pour aborder la raison de leur venue à Lyderem. Il décida d'utiliser la manière la plus directe, tout en ne révélant que le strict nécessaire à la jeune magicienne.

_ Une mission délicate t'attend dans laquelle je ne pourrai pas t'accompagner, dit-il simplement en plongeant son regard noir dans celui d'Iria. Nous devons retrouver l'élu qui a passé la porte de la Merkaba il y a plus de deux siècles. Il se trouve dans un monde totalement différent du nôtre. Celui que tu vois dans tes visions. Je dis bien « visions » et non rêve. Pour passer la Merkaba, nous avons besoin du livre sacré des mages. Il se nomme « Stros snoito seigam » et se trouve dans la bibliothèque royal du château de Lyderem. Tu vas devoir t'introduire dans le palais et subtiliser le livre sans être vue.

_ Mais...

Luciano lui coupa la parole d'un signe de la main. Il s'éloigna pour chercher quelque chose dans l'un de ses sacs et en sortit un vêtement. Iria n'avait pas besoin de plus d'explications. Elle savait où voulait en venir le lycan et se prépara en silence à entendre la suite. Tremblante, elle savait qu'elle ne pourrait pas refuser d'obéir au roi et se dit que c'était là la seule raison de sa présence avec lui. Il allait se servir d'elle et elle avait l'impression qu'après il l'abandonnerait sans plus se soucier d'elle.

 

Anetamara (21)

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9 août 2010 1 09 /08 /août /2010 13:27

Anetamara (18)

 

 

Iria dormi mal cette nuit-là malgré le lit douillet qu'elle occupa. Après sa discussion avec Alban, Luciano avait refusé de répondre à ses questions. Elle ne comprenait pas son obstination. Elle avait besoin de connaître la prophétie dont il avait parlé en début de soirée et savoir qu'elle était son rôle dans le rapatriement de l'élu à Anetamara. Mais le loup-garou ne semblait pas disposer à satisfaire sa curiosité.

La jeune femme se retournait une énième fois dans son lit quand Luciano entra dans la pièce. Se déshabillant, il s'installa sur sa couche avec un long soupir las. Après le repas, il avait eu besoin de discuter encore avec Alban. Ce dernier refusait d'accueillir des lycans ou des vampires dans son refuge. Il trouvait cette perspective dangereuse. Le lycan comprenait ses doutes, après tout les humains se cachaient ici depuis deux cent ans et n'avaient pas envie que quoi que ce soit vienne troubler leur quiétude. Ils avaient réussi à fuir leur vie misérable d'esclave, mais devait continuer à vivre cacher pour goûter encore à ce semblant de liberté. Il avait réussi à convaincre le chef des humains d'accorder asile aux lycans, pour les vampires partisans de sa cause il verrait plus tard. Pour le moment, il devait dormir. Il avait besoin de récupérer pour pouvoir accomplir sa mission à Lyderem. Si tout se passait bien, ils arriveraient au château dans deux jours. Après, il pourrait rejoindre Elena, Tara et Galatea dans ce monde qui lui était inconnu. Avant que ses yeux ne se ferment, il repensa à ce qu'Iria lui avait dit après son rêve, puis il fit le vide dans son esprit pour pouvoir dormir.

_ Luciano ! entendit-il Iria l'appeler.

Il fit semblant de dormir.

_ Luciano ! s'impatienta-t-elle. Je sais que vous ne dormez pas. Je veux savoir une chose. De quelle prophétie parlait Alban ? Et pourquoi croit-il que je suis la sang impur de la prophétie ? Je suis humaine et uniquement humaine.

_ Ça fait deux choses et non une, ironisa le lycan. Dors ! Nous en reparlerons demain !

_ Non !

Iria se leva et alluma la bougie qui se trouvait sur la seule table de la petite chambre. Elle éclaira Luciano avec cette faible lumière et s'avança vers lui. D'abord gênée par la nudité du lycan, elle fixa le mur derrière son lit, puis, s'encourageant silencieusement, elle planta son regard dans le sien.

_ Je ne vous donne plus le choix, roi des lycans ! commença-t-elle d'une voix incertaine. Je ne quitterai pas Mélaya tant que vous ne m'aurez pas expliqué le rôle que je tiens dans vôtre quête.

_ Tu me sembles bien sûre de toi, femme ! gronda Luciano en colère. Crois-tu que j'ai pour habitude d'obéir à qui que ce soit ? Et crois-tu que je te laisserai décidé de ton avenir ? Il a été écrit depuis longtemps et tu ne pourras rien y changer.

_ Je veux savoir ce que vous allez faire de moi ! s'écria-t-elle comme une enfant capricieuse.

L'innocence de la jeune femme fit sourire Luciano. Cette fragilité qu'il sentait en elle lui donnait envie de la pousser dans ses derniers retranchements. Il se mit debout afin de la dominer de toute sa hauteur. Il se pencha vers elle en rendant son regard aussi dur qu'il le pouvait. Il la vit frémir avant même d'avoir fait la moitié de son mouvement.

_ Tu n'es pas en position d'exiger quoi que ce soit, mais sache que tu n'es pas uniquement humaine. C'est tout ce que je peux te dire pour l'instant. Ta mère était bien humaine, en tout cas avant, mais ton père était un mage très puissant. Voilà ton rôle dans ma quête, petite femme, être celle dont la prophétie annonçait la naissance. Maintenant je ne veux plus t'entendre, je vais dormir.

Sans laisser à Iria le temps de réagir, il souffla sur la bougie et se glissa à nouveau dans son lit. La jeune femme, médusée, n'arrivait plus à bouger. Le lycan venait de lui révéler une partie de ses origines, mais ce qu'il lui cachait semblait plus important que ce qu'il lui avait dit. Elle le fixa dans la pénombre, sachant qu'il la voyait clairement avec ses yeux de lycan. En colère contre lui de lui en avoir trop dit et en même temps pas assez, elle lui tira la langue comme une enfant mal élevée. Le rire rauque de Luciano s'éleva dans la nuit avant que la jeune femme ne l'entende ronfler bruyamment.

 

 

                                                                     *

 

Ayant l'impression de flotter dans les aires, Iria vit une immense maison devant elle. Les sensations qu'elle ressentait, les choses qu'elle voyait lui indiquèrent qu'elle faisait encore l'un de ses rêves. L'endroit qu'elle voyait lui était inconnu. La maison qu'elle survolait était bien plus grande que les maisons standards de Nemrast. Elle était plus petite que l'orphelinat, mais la bâtisse restait grande. Les murs étaient d'un blanc immaculé et le toit d'un bleu ciel que le claire de lune rendait plus sombre. Elle leva les yeux et ne vit qu'une lune dans le ciel rempli d'étoiles. La lune de son rêve était de taille moyenne et d'une couleur ocre que Stella et Velana, les deux lunes d'Amerendra, n'arboraient pas. Les étoiles aussi ne semblaient pas à leur place et scintillaient d'une lumière blanche alors que celles qu'elle voyait d'Anetamara étaient d'une belle couleur orangée.

Cessant de contempler le ciel, Iria vola jusqu'à la maison. La porte d'entrée semblait être en verre. Aucune des maisons qu'elle avait vu jusqu'à présent n'avaient eu de porte semblables.

Un mouvement à l'arrière de la maison attira son attention. Se déplaçant doucement vers l'endroit repéré, elle vit une petite silhouette passait par l'une des fenêtres de l'étage. Le clair de lune éclairait la silhouette, mais Iria ne pouvait distinguer ses traits car une longue cape à capuche la couvrait entièrement. Elle vit la silhouette regarder la maison avant de s'éloigner en courant. Elle était rapide et s'enfonça en quelques secondes dans la forêt avoisinante. Sans y réfléchir, Iria vola après elle. Avant qu'elle n'ait pu la rejoindre, une autre silhouette, légèrement plus petite, la stoppa dans sa course. Se cachant derrière un arbre, Iria observa.

_ Où comptes-tu aller, Galatea ?

Iria reconnu la petite voix fluette qu'elle avait entendu dans son précédant rêve. Elle devina que la silhouette la plus courte appartenait à Elena.

_ Je dois retrouver Sebastian au plus vite.

_ Tu ne peux pas partir et me laisser seule ici. Si je suis venue, c'est pour vous ramener tous les deux.

_ Tu ne comprends pas, Elena. Si j'ai une chance de retrouver mon fils, je ne peux le faire que seule. Si tu m'accompagnes, tu ne feras que me ralentir.

Les deux jeunes femmes s'affrontèrent du regard. Même si Iria ne pouvait distinguer leurs expressions, elle devina que leur visage offraient la même détermination.

_ Je viens avec toi, déclara Elena d'un ton sans réplique. Si tu refuses, je vais prévenir tes deux amis lycans qui eux ne te laisseront pas partir.

Galatea laissa échapper un grognement de contrariété qui fit naître un soupçon dans l'esprit d'Iria.

_ Puisque tu ne me laisses pas le choix, accompagnes moi !

Les deux femmes s'apprêtaient à partir. Iria sortit de sa cachette pour pouvoir les suivre quand Galatea se retourna. Leur regard se croisèrent avant que Luciano ne la sorte de son rêve avec brutalité.

 

                                                                             *

  Anetamara (20)

 

 

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9 août 2010 1 09 /08 /août /2010 11:59

Anetamara (17)

 

 

 

Assise devant un grand feu, Iria appréciait le délicieux repas que les habitants de Mélaya leur avait concocté. Il y avait là du faisan caramélisé avec du miel et des brochettes de rats aux fines herbes. Elle avait goûté avec plaisir le faisan n'en ayant jamais mangé avant, mais avait refusé la brochette de rats qu'on lui avait tendu.

_ Tu as tord, jeune demoiselle, lui avait rétorqué une grande femme qui ressemblait plus à un homme d'ailleurs. C'est la meilleure viande de tout le royaume.

Iria était reconnaissante à leurs hôtes de lui offrir un repas un peu plus consistant que du pain et du fromage, mais elle ne se résoudrait jamais à avaler la chaire d'un rat. Pour elle, cet animal était associé à la peur et à la maladie. Une croyance anetamarienne parlait de rats annonciateurs de malheur. Elle disait que lorsqu'on trouvait un rat dans sa maison, on devait s'attendre à voir l'un de ses proches mourir foudroyé par une maladie inconnue. Superstitieuse comme tous les enfants de l'orphelinat, Iria avait la même peur des rats que sa jument Ayaka.

_ Tu as parlé d'un coup d'état, roi Luciano, dis-nous en plus ! ordonna soudain le chef de la joyeuse tribu.

Iria vit Luciano tiquer face à cet ordre. Il ne semblait pas être accoutumé à ce genre de familiarité. La jeune femme sourit à cette idée. Depuis leur rencontre quelques heures plus tôt avec les « fantômes de Mélaya », le roi des lycans avait du se plier aux exigences de leur escorte. Il avait accepté sans broncher d'être ligoté et privé de ses yeux lors du trajet, mais il avait été moins docile quand l'un des hommes avait suggéré de le laisser attacher toute la nuit.

Luciano jaugeait ses hôtes d'un œil critique. Il se demandait s'il avait raison de leur accorder sa confiance. Le chef, un homme peu distingué avec sa silhouette massive, ses jambes trop courtes et sa longue chevelure brune toute hirsute, était joviale et avait réussi à les mettre à l'aise, mais Luciano soupçonnait une grande intelligence derrière ces petits yeux bruns. En croisant le regard du chef, il décida de leur faire confiance. Après tout, cette guerre était autant la leur que la sienne.

_ Je suis venu jusqu'à vous pour plusieurs raisons. La première étant la recherche de votre protection. Je me suis laissé dire que les habitants de Mélaya pouvaient passer inaperçus aux yeux des vampires et j'ai besoin de me rendre jusqu'à Lyderem sans être vu.

_ Ceux qui t'ont informé ont raison. Aucun vampire ne peut détecter notre présence dans ces bois tant qu'on y reste caché, mais la route par ici est bien longue pour rejoindre Lyderem.

_ Je le sais, mais c'est la route la plus sûre. Les routes officielles sont toutes gardées et la garde royale a reçu pour ordre d'arrêter le moindre lycan qu'elle croiserait.

_ Dans ce cas, je me joins à ton opinion en affirmant que Mélaya est la route la plus sûre, mais cela ne m'explique pas pourquoi l'un des rois d'Anetamara est privé de liberté dans son propre royaume.

Iria cessa de manger se concentrant sur la conversation. Elle se tenait à la droite de Luciano et elle avait l'impression de sentir toute la tension de son corps. Son visage était crispé dans un masque inexpressif, mais la jeune femme savait qu'il était en train de réfléchir. Son visage reflétait la même chose que ces trois derniers jours. Elle savait qu'il avait longuement pesé le pour et le contre la concernant. Comme pour elle, il se demandait s'il devait dire toute la vérité au chef des humains de Mélaya.

_ La reine Elisabelle a renversé le roi en place il y a de ça plus d'une semaine, dit-il d'une voix tendue. Avec l'aide de la communauté des mages de Nemrast et de quelques vampires en désaccord avec le roi Gladius, elle s'est emparée du château et de la ville de Lyderem. Le roi Gladius a été fait prisonnier ainsi que certains de ses partisans. Il y a six nuits, les troupes du nouveau régime ont envahi Oroméo en tuant les plus résistants et en faisant prisonnier les autres. Certains membres de ma meute ont réussi à s'enfuir et ce sont réfugiés dans le royaume voisin. Enfin, j'espère que le souverain d'Allebrum a bien voulu accordé asile à ma sœur et aux autres.

Le regard de Luciano fut traversé par une lueur de tristesse qui toucha Iria. Le roi ne lui avait pas dit pourquoi il avait fui Oroméo et elle sentait maintenant qu'il avait abandonné une chose importante là-bas, sa sœur.

_ En quoi cela nous concerne-t-il ? interrogea le chef Alban. Ce qui se passe entre les souverains d'Anetamara ne nous regarde pas ! Nous ne sommes que des esclaves à vos yeux !

_ Il est vrai que jusqu'à présent nous ne ressentions pas le besoin de changer les conditions des humains, mais il y a quatre ans Gladius avait proposé une nouvelle loi.

_ Et qu'est-ce que ce vampire de pacotille avait-il prévu pour nous ? demanda l'humain d'une voix pleine d'ironie. De faire de nous des immortelles pour avoir du sang en plus grande quantité ?

_ Elena m'avait vanté ton intelligence, mais je crois qu'elle t'a surestimé, assena acerbe le lycan.

Iria comme Alban étaient surpris. Pour des raison différentes, ils ne s'attendaient pas à entendre le nom d'Elena dans la bouche du lycan. La première car c'était un aveu de la part du roi de son lien avec la vampire de son rêve, et le second parce que la douce princesse Elena était leur alliée. Iria se rapprocha de Luciano pour mieux entendre et observer la réaction de l'un et de l'autre. Ses jambes touchèrent celles du loup-garou sans provoquer une quelconque réaction chez lui. Elle voulait en entendre plus pour éclaircir ses rêves, mais aussi parce que les actions de la reine Elisabelle l'intéressaient.

_ Je ne crois pas que la princesse Elena t'ai parlé de nous ! s'écria l'humain. Elle a en horreur tous les souverains du royaume !

_ Explique-moi alors comment je savais que les « fantômes de Mélaya » étaient des humains ! Ou encore comment je sais comment vous faites pour ne pas être détectés des vampires.

_ Qui nous dit que tu le sais réellement ?

_ Une magicienne a ensorcelé la forêt pour que les gens la croient hantée. Son tour de passe passe est simple. Tant qu'on reste à l'extérieur de la forêt aucun des sens ultra sensible des vampires ou des lycans est à même de deviner la véritable nature des protégés de Mélaya. En outre, son sort a été renforcé par un autre qui suscite la peur rien qu'à la vu des bois sombres. Une fois la ligne de protection franchie, ces différents sorts n'ont plus aucun effet.

Alban regarda le lycan avec surprise. Ce que Luciano venait de dire était vrai. Il n'arrivait toujours pas à croire que la princesse Elena ait pu les trahir, qu'elle ait pu mettre en péril leur protection et les livrer à ceux là même qui les parquaient comme des animaux. Une sourde colère monta en lui tandis qu'il observait les traits satisfaits du lycan.

Luciano saisit avec violence le bras d'Iria, l'obligeant à se lever et à se tourner face au chef des hommes.

_ J'ai une autre surprise, déclara-t-il à l'intention d'Alban. Regarde bien ma compagne et dis-moi d'après toi pourquoi elle m'accompagne jusqu'à Lyderem !

Les yeux agrandis par la surprise, Alban comprit la portée du danger qui menaçait le royaume. La jeune femme qui se tenait devant lui était celle de la prophétie, celle venue pour libérer les humains de leur condition d'esclave. Sa ressemblance avec celle à qui ils devaient leur protection le choqua. Il n'aurait jamais pensé que la sang impur née pour le salue de la condition humaine puisse être une descendante de celle la même ayant condamné cette prophétie. Il détailla avec attention l'ovale pure du visage féminin, ses lèvres roses et pleines, son teint pâle, ses cheveux auburn et se dit qu'elle ne lui ressemblait pas vraiment. Son regard s'attarda sur les tâches de rousseur parsemées sur ses joues avant de croiser ses yeux. Il frémit. Toute la ressemblance de la jeune femme avec la magicienne tenait à ses immenses yeux améthyste, chose peu commune dans le royaume d'Anetamara. En outre, comme tous les mages d'Amerendra elle avait une aura particulière que même les faibles yeux d'un humain pouvait distinguer sans difficulté. Il émanait de cette jeune femme une pureté et une douceur qu'il n'avait rencontré qu'une seule fois, chez Elena.

_ D'accord, dit-il au bout de cinq minutes de silence méditatives. Tu as piqué ma curiosité, lycan, et je suis prêt à t'accorder toute mon attention. Que pouvons-nous faire pour toi ?

_ Tu ne mets même pas en doute mes intentions ? demanda Luciano incrédule.

Un sourire incurva les lèvres d'Alban. Le souverain ne semblait pas connaître ce que l'on disait de lui parmi le petit peuple.

_ Des trois souverains anetamariens, tu as toujours été le seul à penser aux intérêts des humains. Il n'y a qu'à Oroméo que les gens de mon espèce vivent libre, alors pourquoi douterai-je de ce que tu comptes faire de la sang impur de la prophétie ?

Luciano sentit Iria sursauter à côté de lui quand elle réalisa qu'on parlait d'elle. Il était mécontent. Il aurait préféré parler de tout ça avec Alban à l'abri des oreilles indiscrètes de la jeune femme. Il était encore trop tôt pour tout lui révéler et surtout ce n'était pas à lui de le faire. En tout cas pas avec sa maladresse légendaire dans les relations sociales. Il ignora la réaction d'Iria et se concentra sur les enjeux de sa discussion avec le chef des humains.

_ Ne parlons pas de ça, dit-il mal à l'aise, mais parlons de ce que j'ai à te demander.

_ Je veux d'abord savoir en quoi le coup d'état de la reine Elisabelle concerne les humains.

_ Pour arriver à ses fins, elle a promis aux vampires de faire de tous les humains des animaux d'élevages pour la consommation de leur sang. En échange, les suceurs de sang n'interviennent pas dans son conflit contre moi et ma famille. Il s'agit d'une banale vengeance pour elle, mais qui arrange les affaires des vampires dont certains rêvent de reprendre la guerre entre lycans et buveurs de sang.

Iria suffoqua d'horreur. Elle n'arrivait pas à croire que la souveraine des mages voulaient traiter ses semblables de la sorte. Elle ferma les yeux pour fuir le visage sincère de Luciano, refusant toujours d'y croire. Elle vit alors une image encore plus horrible : des vampires se nourrissant de son sang. Comme dans ses cauchemars, elle vit leurs canines s'allonger avant de s'enfoncer avec brutalité dans sa chaire tendre. Elle réprima un frisson de dégoût quand elle cru sentir l'odeur de son propre sang.

_ La reine Elisabelle ne ferait jamais ça, dit-elle dans un souffle.

Luciano tenta d'ignorer la douce odeur de la peur de la jeune femme, mais il ressentait la même chose qu'elle depuis plusieurs jours.

_ J'ai besoin de vous ! déclara Luciano en jetant un regard circulaire sur ceux réunis autour du feu. Je dois me rendre loin d'ici pour retrouver l'autre sang impur. Quand nous reviendrons avec lui, il nous faudra une armée. J'ai envie de croire que vous en ferez tous partie et que d'ici mon retour vous aurez enrôler d'autres humains du royaume. J'ai également l'espoir de voir certains membres des autres peuples d'Anetamara épouser notre cause et trouver refuge ici.

Malgré le ton suppliant de la requête du roi des lycans, Alban sentit qu'il s'agissait d'un ordre. Il ne s'en offensa pas. Au début, quand Amerendra connut ses premiers jours, humains et lycans vivaient en parfaite harmonie. Dans certains royaumes d'Amerendra cette harmonie existait encore. Les vampires avaient été à l'origine du déclin du royaume. Tout comme les mages qui à l'origine n'étaient que des humains avec des dons particuliers qui avaient perdu l'esprit attirés par le pouvoir.

_ Nous ferons ce que vous demandez, votre majesté. Mes amis et moi-même te prêtons allégeance.

_ Non ! dit doucement Luciano avec un sourire. Je ne serais pas celui qui vous dirigera. L'élu sera bientôt parmi nous et c'est à lui que nous prêterons tous allégeance.

 

 

Anetamara (19)

 

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8 août 2010 7 08 /08 /août /2010 18:13

Anetamara (16)

 

 

 

 

                                     Chapitre 4 : Lyderem

 

 

 

 

Iria était épuisée. Luciano l'avait réveillée avant l'aube comme depuis deux jours déjà et ils avaient chevauché sans discontinuer depuis. La nuit allait bientôt tomber et Iria mourait de faim. Le lycan avait décrété qu'une pause déjeuner était inutile. Il semblait avoir oublié que si pour lui jeûner ne posait aucun problème, il en allait autrement pour la jeune femme. La jeune humaine ravala un élan de rage. Non content de l'affamer, il l'avait abandonnée au beau milieu de Mélaya depuis plus d'une heure et la jeune femme commençait à paniquer. Les deux nuits qu'ils avaient passé dans la forêt qui bordait l'entrée ouest d'Elletagem avaient été un vrai calvaire pour elle. Elle n'arrivait pas à dormir en grande partie à cause des bruits qui troublaient le calme de la nuit, mais aussi à cause de la proximité du loup-garou. Si pour leur première nuit passée à la belle étoile, il s'était dispensé de sommeil, ce n'était plus le cas maintenant. Le voir dormir aussi tranquillement alors qu'elle entendait des grognements, des voix ou encore des bruits de respiration autour d'eux, mettait ses nerfs à rude épreuve. Et comme si cela ne lui suffisait pas pour la torturer, maintenant il la laissait seule dans cette forêt trop effrayante alors que la nuit tombait. Seul point positif de ce manque de sommeil, l'arrêt de ses cauchemars. Luciano ne lui avait toujours pas affirmé connaître les lycans et la vampire quelle y avait vu, mais elle sentait que le moment viendrait où il lui parlerait. D'ailleurs, s'il ne l'avait pas définitivement abandonnée, elle allait l'interroger ce soir lors de leur sommaire repas.

Sans s'en rendre compte, Iria avait ralenti l'allure d'Ayaka, la faisant presque marcher au pas. La bête semblait presque aussi fatiguée qu'elle. Cela n'était pas étonnant d'ailleurs, les deux fugitifs avaient dû partager leur eau avec leur monture car ils n'avaient pas trouvé de point d'eau. S'ils n'en trouvaient pas au plus vite, ils allaient être à court et risquaient de mourir de soif.

Tout à ses réflexions, elle ne vit pas l'immense animal qui s'approcha d'elle dans son dos, mais Ayaka le sentit et commença à s'agiter. Ne comprenant pas l'attitude de sa monture, Iria raffermit sa prise sur les rênes. Soudain, elle entendit un grognement menaçant derrière elle. Une sueur froide descendit lentement le long de sa colonne vertébrale et elle se mit à trembler. Elle n'osa pas se retourner, mais sa curiosité fut la plus forte. Elle tourna lentement, trop lentement la tête. Au moment où elle entrevit la créature dans son dos, des lumières scintillèrent en face d'elle, arrêtant net son mouvement. Ayaka était trop stressée par toutes ces choses surnaturelles qui l'encerclaient. Un nouveau grognement nerveux de la bête derrière elles, la fit se cabrer, désarçonnant sa cavalière. Iria chuta en poussant un cri à mi chemin entre la surprise et la peur. Elle toucha le sol avec un bruit sourd, mais la douleur, elle fut vive. Elle était tombée lourdement sur le dos, lui coupant le souffle. Elle resta dans cette position pendant de longues secondes, cherchant à respirer de nouveau normalement. Elle sentit le sol vibrer avant de voir la bête qui l'avait effrayée sauter pardessus son corps. Elle frissonna en reconnaissant l'animal. Il s'agissait d'un immense loup aux poils noirs très longs. Essayant de se mettre debout, elle réalisa que c'était un loup-garou et pria le ciel pour que ce fut Luciano et non un inconnu.

Luciano avait senti le danger de loin, de très loin. Il avait dû prendre sa forme animale pour pouvoir rejoindre la jeune femme à temps, et malgré cela ils étaient arrivés avant lui. Si son odorat ne le trompait pas, il n'y avait ni lycan, ni vampire parmi le petit groupe qui les encerclait. Ils ne devaient être pas plus nombreux qu'une vingtaine d'individus, tendus. D'où il était, il pouvait sentir la peur que leur peau exhalait. Ils étaient arrivés là confiant, mais en l'apercevant ils semblaient avoir vite déchanté. Les voyant toujours avancer, il retroussa les babines, menaçant. Il se rapprocha d'Iria et la protégea de son corps. Cette dernière avait réussi à se relever. Il n'avait pas besoin de la regarder pour vérifier qu'elle était blessée. L'odeur acre du sang lui chatouillait les narines, ainsi que celle de sa peur. Il tenta de la rassurer en lui adressant un doux feulement avant de réaliser qu'elle ne le connaissait pas sous cette forme. Contre toute attente, Iria sembla le reconnaître et se rapprocha de lui, se collant à son flan droit. Ou peut-être avait-elle fait le pari fou qu'un seul lycan pouvait se promener dans les bois si peu accueillants de Mélaya. Il n'eut pas le temps d'approfondir ses réflexions. Une flèche semblant sortir de nulle part siffla à son oreille gauche, avant que leurs assaillant n'en décoche une deuxième. Celle-ci, il la vit venir et il se jeta sur Iria pour la plaquer au sol. Son geste avait sauvé la jeune fille. Il se remit sur ses quatre pattes et fixa ceux qui s'avançaient toujours vers eux. Après une courte réflexion, Luciano tendit son ouïe pour voir d'où venaient les ordres de ceux qui les attaquaient.

_ Ne tuez pas l'humaine ! entendit-il un homme à la voix rocailleuse ordonner. Le lycan doit être capturé ! Vous pouvez le blesser, mais méfiez-vous !

Enregistrant les derniers mots, le lycan laissa l'humaine seule car elle ne craignait rien et se jeta dans l'ombre d'où lui était venue la voix. La rapidité avec laquelle il se déplaçait, figea les hommes qu'il dépassa. Il arriva près de celui qui semblait être leur chef en deux secondes. En pleine course, il reprit sa forme humaine, avant de se jeter sur l'homme trapu à la tignasse brune. Il l'attrapa par le cou et serra jusqu'à l'étouffer.

_ Calme ta petite troupe ! lui ordonna-t-il de sa voix grave et velouté. Je ne voudrais pas avoir à vous tuer. Je suis ici en ami et je peux te le prouver.

Il relâcha l'homme et s'éloigna de quelques pas. Lui tendant les mains, il fixa son regard noir dans celui d'Iria qui se tenait maintenant à quelques mètres de lui encadrait de deux vieillards armés d'arbalètes.

_ Je te laisse me capturer, déclara-t-il assez fort pour que tous l'entendent. Je suis le roi Luciano Melgrove, chef des lycans d'Anetamara et l'un des trois souverains de ce royaume. Je sais qui vous êtes et suis honoré de vous rencontrer, « fantômes de Mélaya ». En ces temps troublés par le coup d'état de la reine Elisabelle, accordez-nous votre protection !

Un sourire illumina son visage dur en voyant la réaction des hommes qui lui faisaient face. Comme il s'en était douté ces pauvres gens ne connaissaient pas encore le drame qui venait de s'abattre sur le royaume.

Sans dire un mot, le chef ordonna à ses sbires de donner un vêtement au lycan.

_ Vous allez nous suivre ! dit-il simplement. Nous allons devoir vous bander les yeux afin de préserver l'endroit où nous nous cachons.

 

Anetamara (18)

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