Une nuit où j'étais seule (17)
Je me réveillai lentement, cherchant des repères que je ne trouvai pas. Les rideaux fleuris de la pièce où je me trouvais n’avaient rien en commun avec ceux chocolat de ma propre chambre. Le lit aussi était différent. Celui-ci était bien trop haut et moins large que mon lit opium. Je me redressai péniblement et réalisai que j’étais dans la chambre d’amis de mon frère. Après mon altercation avec Richard, j’avais pris la route jusqu’à Londres sans même y réfléchir. J’étais arrivée devant la maison familière les larmes aux yeux. Durant le trajet, je m’étais rendue compte de l’horreur des actes et des paroles de mon fiancé. Il avait été odieux et je m’étais sentie coupable d’avoir causé sa colère, mais je n’y étais pour rien. Je n’avais rien à me reprocher et rien dans mon attitude ne méritait un traitement pareil. La peur que Richard m’avait inspiré dans le petit salon de mon appartement continuait à me faire trembler.
Plongée dans mes réflexions, je ne vis pas la voiture qui s’était arrêtée derrière moi, mais j’entendis les petits coups portés à ma vitre. J’avais sursauté et retourné la tête vivement pour voir le visage bienveillant de mon frère. Il m’avait enjoint à lui ouvrir et c’est ce que je fis. Il s’était assis à côté de moi en souriant et je remarquai enfin qu’il pleuvait des cordes dehors.
_ Que fais-tu ici à une pareille, sœurette ? Je n’ai rien contre le fait de te voir, mais ce n’est pas dans tes habitudes de nous honorer d’une visite nocturne, surtout aussi tardive.
Je n’avais pas réussi à lui répondre, éclatant en sanglot et cherchant du réconfort entre ses bras. Il m’avait accueillie contre lui sans un mot.
_ Si tu ne veux pas que j’attrape la grève, on devrait entrer, déclara-t-il moqueur. Regarde un peu comment tu m’as trempé avec tes larmes !
Il m’avait éloignée de lui pour me montrer l’état de ses vêtements. Je n’avais réalisé qu’en sortant de ma voiture qu’il s’était moqué de moi car il était déjà mouillé avant d’apparaître devant moi.
En repassant à sa moquerie, je me mis à sourire. Il m’avait ensuite fait entrer chez lui en silence car toute la maisonnée était endormie. Il était presque 5h00 du matin, il n’y avait donc d’anormal là dedans. Il m’avait ensuite donnée une de ses vieilles chemises avant de me laisser seule pour dormir.
Je jetai loin de moi les couvertures et m’étirai longuement avant de mettre pieds à terre. Avant même que j’eusse pu m’extirper du lit, mon neveu ouvrit la porte avec fracas.
_ Papa avait raison ! s’écria-t-il en se jetant sans autres formes sur moi. Tu es vraiment venue dormir à la maison ! Quand es-tu arrivée ?
Brian avait réussi à me faire tomber sur le lit et je roulai sur moi-même pour pouvoir le chatouiller. Son rire envahit tout l’espace de la chambre, me remplissant le cœur de joie.
_ Quel joli spectacle ! se moqua mon frère du pas de la porte.
Honteuse, je laissai mon neveu se jeter dans les bras de son père. La position dans laquelle il venait de me trouver n’était pas des plus élégantes avec sa chemise trop courte malgré ma petite taille.
_ Maintenant que tu es debout, nous t’attendons dans la cuisine pour savoir ce qui t’est encore arrivée.
_ Arrête d’embêter ta sœur, Steven ! Elle ne peut pas mettre un pied dans cette maison sans que tu la harcèles de questions. Allez, viens prendre ton petit-déjeuner, Pam !
Docile, je suivie Alex en tirant la langue puérilement à Steven. Cela déclencha un fou rire chez son fils, auquel je me joignis sans aucune vergogne.
_ Maintenant qu’elle a l’estomac plein, puis-je l’interroger sur sa venue ici ? demanda Steven à son épouse.
La manière qu’ils avaient de gérer leur relation de couple m’avait toujours amusée. Mon frère n’était pas du genre à attendre l’approbation de qui que ce soit avant d’entreprendre de faire quoique ce soit, sauf quand il s’agissait de sa femme. Alexandrine avait le don de le mener à la baguette, mais seulement quand bon semblait mon frère.
_ Moi, j’aimerais savoir ce que tu faisais dehors à une heure pareille, le devançai-je.
Une petite rougeur colora adorablement ses hautes pommettes. Il baissa la tête sur son plat d’œuf brouillé et ne souffla plus un mot.
_ C’est vrai ça, Steven ! Que faisais-tu encore dehors à 5h00 ? lui demanda Alex d’un ton moqueur.
A son regard de connivence, je compris qu’elle savait très bien où il se trouvait et ce qu’il avait fait de sa nuit. Elle me lança un clin d’œil avant de continuer.
_ Ne serais-tu pas allé dépenser une partie de notre argent au poker avec ce petit garnement de Rodéric Garner ?
Mon frère acquiesça d’un mouvement de tête, en rougissant de plus belle. Il était adorable dans cette attitude de petit garçon prit en faute.
_ Mais je n’ai pas joué notre argent, seulement ce que je mets de côté pour mes dépenses personnelles.
_ Et combien as-tu perdu ?
_ Rien ! affirma-t-il en relevant fièrement la tête. J’ai même gagné 2000 livres.
_ Mais combien as-tu perdu ces derniers mois ?
Il ne répondit rien, reprenant son attitude de petit garçon honteux.
_ Dieu merci, tu ne joues qu’une fois par mois et pas beaucoup d’argent ! puis se tournant vers moi. Maintenant que j’ai fini avec ton frère à nous deux. Pourquoi es-tu venue te réfugier chez nous ?
Je baissai à mon tour la tête et ne répondis rien. Ma belle-sœur se leva alors de table et alla au salon. Elle revint bien trop vite à mon goût et sous le regard moqueur de mon frère elle me glissa un magasine sous les yeux.
_ Aurait-ce un rapport avec le jeune milliardaire de la photo ? C’est ta mère qui doit être joyeuse.
_ Ne te moque pas de moi, Alex ! Je n’ai rien à voir avec cet homme. On se connait à peine.
_ Alors quel est ton problème ? reprit mon frère impatient. Je n’ai rien contre le fait de t’avoir à la maison, mais si tu as un problème, je préfère le savoir.
Je baissai à nouveau la tête ne sachant pas trop quoi leur raconter. Je pris une profonde inspiration et me lança dans le récit des événements depuis ma rencontre avec Peter Caldwell à Brighton. Avec réticence, je rapportai les actes et paroles blessantes de Richard la veille. A chacun de mes mots, je voyais le visage de mon frère devenir plus écarlate sous l’effet de la colère.
_ Je crois que je vais tuer ce salaud, dit calmement Steven à la fin de mon monologue. Donne-moi son adresse.
_ Tu n’iras nulle part Steven Campbell ! gronda Alexandrine. Rassis-toi et plus vite que ça !
Il s’exécuta en bougonnant.
_ Il a posé ses sales pattes sur ma sœur !
_ Et ta sœur a su le remettre à sa place, alors tu n’as pas à t’en mêler.
_ Mais…
_ Il n’y a pas de mais. Va jouer avec ton fils !
Il sortit en trainant les pieds et en bougonnant de plus belle. Alex et moi nous regardâmes et éclatâmes de rire.
_ Ton frère sera un éternel enfant. Dis-moi que tout va réellement bien, Pam !
J’acquiesçai et lui redis que seul mon amour propre avait été bafoué dans toute l’histoire.
_ Ecoute ! je pense qu’il serait plus raisonnable que tu passes quelques jours ici avec nous, pour te changer les idées. Tu as fini tes examens, tu n’as donc pas besoin de retourner à la fac pour le moment.
Une fois de plus je ne fis qu’acquiescer.
_ Dans ce cas, je vais te prêter des vêtements propres et demain nus iront ensemble chez toi récupérer quelques affaires.
J’aimais entendre la douce voix de mon amie me donner des ordres. J’avais l’impression qu’ainsi qu’une autre personne se charger à ma place à faire fonctionner ma vie si fragile. Heureuse et rassurée, je rejoignis les deux hommes de ma vie au salon et me mis à jouer avec eux.
