Une nuit où j'étais seule (13)
J'étais assise-là, dans l'enceinte de la faculté, à attendre Samantha. Elle avait réussi à me convaincre de sortir avec elle ce soir. Elle m'avait fait miroiter un dîner entre amis, sans plus. La connaissant plus qu'un peu, je savais qu'elle avait mijoté autre chose. Elle avait été trop heureuse d'avoir réussi à me convaincre. Je n'avais aucune envie de la voir jouer les cupidons une nouvelle fois, mais la perspective de rester une fois de plus seule ne m'enchantait guère plus. La date prévue initialement pour le mariage approchait à grands pas et j'avais de plus en plus de remords. J'avais été tenté à quatre reprises dans la semaine d'appeler Richard, mais quelque chose m'en avait empêchée. Le problème c'était qu'il me manquait trop. Je mourrais d'envie d'entendre sa voix autoritaire me murmurer des mots d'amour, ou encore de sentir ses bras musclés autour de ma taille pour me réconforter.
Si Richard était toujours furieux contre moi, car il n'avait à aucun moment essayé de me joindre, mes parents, eux, avaient renoué le contact. Ils m'avaient appelée le week-end dernier après deux semaines de silence radio. Bien évidemment, je n'avais pas eu le coeur de leur faire la tête bien longtemps. Samantha m'avait d'ailleurs réprimandée pour cela. Selon elle, j'aurais dû leur montrer mon mécontentement, mais j'avais été trop heureuse d'entendre à nouveau le son de leur voix. Steven aussi avait été furieux de voir la lâcheté avec laquelle j'avais accueilli leur "retour". Pour lui, il était inadmissible que des parents soutiennent un étranger à la place de leur propre fille. Je savais qu'au fond il avait raison, mais je n'arrivais pas à les en vouloir réellement. Je comprenais leur réaction. Je les avais déçus et je les avais surtout mis dans l'embarras.
_ Je suis là, Pam ! On peut partir.
La voix un peu forte de Samantha m'avait fait sursauter. Je ne l'avais pas vu s'approcher de moi.
_ A quoi pensais-tu ? me demanda-t-elle un peu abrupte. Je t'ai appelée une dizaine de fois avant que tu ne daignes me regarder.
_ Je suis désolée ! Je ne pensais à rien en particulier.
_ Arrête de t'excuser sans cesse ! Tu sais bien que ça m'exaspère !
Son ton impatient me fit comprendre que quelque chose la contrariait. Samantha n'était pas du genre à me parler comme ça. Elle savait qu'il valait mieux me prendre avec douceur pour ne pas risquer de me braquer. J'accélérai le pas pour pouvoir lui couper la route.
_ Dis-moi ce qui ne va pas, Sam, et ne t'avise pas à me mentir !
_ Je pourrais te mentir que tu ne t'en rendrais même pas compte, ma pauvre Pamela. T'es d'une nature si naïve !
Sous le coup de la critique, je laissai tomber les bras et baissai la tête. Ces propos avaient été cruels. Je n'aimais pas qu'elle me traite de la sorte. Vexée, je tournai les talons et me dirigeai à petits pas rapides jusqu'au métro. Je n'avais pas pris ma voiture le matin, ayant préféré me laisser conduire par mon amie. Et là, je n'avais aucune envie de me retrouver seule dans une voiture avec une personne qui se défoulait sur moi.
_ Attend, Pam ! Je suis désolée !
Samantha m'avait agrippée par le bras pour m'arrêter. Elle m'obligea à lui faire face et je vis dans ses yeux une tristesse que je ne lui connaissais pas.
_ Qu'est-ce qui t'arrive, Sam ? lui demandai-je sincèrement angoissée.
Si Samantha se laisser elle aussi submerger par le chagrin, je n'arriverai pas à relever la tête. Elle était mon roc, mon port, celle qui faisait que ma vie valait la peine d'être vécue.
_ Ce n'est rien, Pam ! Tu sais comment je suis ? Je vais aller mieux dans cinq minutes et toi même tu te demanderas pourquoi tu m'as posé cette question ?
_ Non, je ne crois pas. Tu ne vas pas réussir à me convaincre avec ce genre d'arguments et tu le sais bien.
_ Tiens, madame a décidé de faire sa forte tête aujourd'hui. On se découvre du caractère ? Tu devrais le montrer plus souvent, mais à tes parents, pas à moi.
_ Si tu le prends comme ça, Sam, je rentre chez moi et on n'en parle plus, mais tu ne me verras plus aussi.
_ Du chantage, maintenant ! C'est de mieux en mieux. Qui t'as appris ça ?
_ Toi !
Mon regard déterminé ou le son de ma voix quand je prononçai ce mot la fit éclater de rire. Sans savoir pourquoi, moi aussi je me mis à rire.
_ Ecoute, Pam ! On va chez moi pour se préparer et on en parle en chemin ? Tu vas être contente, je vais enfin te parler de ma vie amoureuse.
